Huit bouquins lus, la trentième-quatrième vague

mardi 28 novembre 2023 :: perrick :: Livres :: aucun commentaire :: aucun trackback
  1. Dosadi de Frank Herbert
    Sur une planète hostile, Dosadi, n'existe qu'une seule ville, Chu. Elle est l’unique espoir de salut pour la population des bordures : même le ciel y est bouché, barré par le mur de Dieu. On suivra donc l’enquête de Jorj X. McKie : l’envoyé extraordinaire du Bureau du Sabotage a été dépêché sur place pour comprendre ce qu’il s’y trame. Entre moeurs Gowachins et colère humaine, la prose du père de Dune nous mène par le bout du nez, au risque peut-être de nous perdre, au risque surtout de nous surprendre. livres.onpk.net
  2. L’homme de deux mondes de Frank et Brian Herbert
    Les Dreens, une espèce pacifique mais très créative, ont eu la mauvaise idée de créer les humains. Ryll, un de ces Dreens, a été contraint de fusionner avec un de ces humains, Lutt Hanson. Une histoire originale et mordante de cohabitation sous contrainte dans le système solaire. livres.onpk.net
  3. Self-Help de Samuel Smiles
    Si le fondateur de la dynastie Toyota n’avais pas annoté scrupuleusement son exemplaire de cet ouvrage, je n’aurais probablement jamais eu l’idée de lire le premier bouquin de développement personnel de l’histoire. Près de deux siècles plus tard, mon grand jeu aura été d’y déceler les principes qu’on associe volontiers au Lean. À commencer par la personnalisation pour les français : l’auteur refuse la facilité d’une simple traduction et fait l’effort d’ajouter des personnages célèbres de notre propre histoire pour appuyer ses propos. Puis en vrac : l’apprentissage délibéré, les petits pas, le pièce à pièce, la frugalité des moyens, l’importance de la qualité, etc. Mais finalement le gouffre qui transparait, c’est l’importance de la droiture morale et de la probité : notre âge de la discorde avec son lot de passes-droit et de dédain égoïste ou hautain semble bien incapable de lire un tel ouvrage. livres.onpk.net
  4. End Times de Peter Turchin
    Comme beaucoup, j’avais découvert Peter Turchin à travers ses prédictions particulièrement précises pour les années 2020 dans un article de Nature. Dans ce court ouvrage (à peine 250 pages qui se lisent avec délectation), il présente la version grand public de ses travaux en cliodynamique sur la désintégration politique : cette dernière a besoin d’une classe miséreuse et surtout d’une contre-élite dans un système irriguée par une « pompe à richesse » (tous ces mécanismes institutionnels qui gonflent les inégalités). La richesse des exemples (en Chine, en Russie, en Angleterre, aux USA, etc.) et la rigueur de modèles mathématique (grâce à la base de données historiques Seshat) en font un point d’appui majeur pour comprendre l’époque contemporaine. livres.onpk.net
  5. Ör de Auður Ava Ólafsdóttir
    Autant le dire tout de suite, ce petit livre islandais est mon bouquin préféré de l’été 2023 : je me suis régalé avec l’histoire de Jonas. Sa femme l’a quitté, sa mère est en train de le faire et sa relation avec sa fille ne tient plus à grand chose. Il décide de partir loin pour mettre fin à ses jours. Avec une perceuse et des rudiments de bricolage. Très drôle, particulièrement touchant, et loufoque à souhait ! livres.onpk.net
  6. Épépé de Ferenc Karinthy
    Un linguiste qui maitrise douze langues se retrouve perdu au beau milieu d’une ville inconnu et indéchiffrable : il n’arrive ni à lire, ni à parler, tellement l’alphabet est obscur et la prononciation irreproductible. Il va errer pendant des jours, et moi avec. Peu convaincu par cet univers qui ne basculera jamais tout à fait dans le fantastique. livres.onpk.net
  7. Turn the Ship Around! de L. David Marquet
    Une réponse bête à une question absurde donne à un capitaine l’occasion d’ouvrir les yeux sur les dégâts de la relation Leader / Suiveur au sein de la Navy américaine. Sa prise de commandement sur le pire sous-marin de la flotte US marque aussi le lancement d’une quête vers une relation Leader / Leader au sein de son équipage : il y expérimentera quantité de pratiques managériales (la responsabilisation, la subsidiarité, l’apprentissage continue, l’exigence et tant d’autres). Avec un succès certain puisque que son USS Santa Fe deviendra le meilleur de la flotte et que l’univers confiné et en alerte constante des sous-mariniers en veille reste un fabuleux décor pour une expérience humaine. Un filon qu’Hollywood a déjà exploité mais qui pouvait aussi faire un bon livre de management. livres.onpk.net
  8. Le chagrin de la guerre de Bảo Ninh
    Partir à la guerre à 17 ans, en revenir victorieux à 30. Et avoir tout perdu entre les deux : femme, amis, jeunesse et illusions. Il lui reste l’alcool et l’écriture pour tenter de comprendre une existence désormais en lambeaux. Un récit poignant et dur (on est loin des héroïques ricains sur pellicules) où la forme littéraire est aussi décousue que le parcours du soldat, un véritable tour de force. livres.onpk.net

Huit bouquins lus, la trentième-troisème vague

mardi 18 avril 2023 :: perrick :: Livres :: aucun commentaire :: aucun trackback
  1. Le Lean Management au cœur des services de Olivier René et Bertrand de Graeve
    Excellent livre de vulgarisation du Lean, cet ouvrage combine plusieurs aspects uniques dans cette litrérature francophone. Tout d’abord il est écrit - entre autres - par un ancien de Toyota. On trouve donc des définitions précises de tous les concepts-clé (judoka, kaizen, andon, etc.) et des mises en perspectives opérationnelles riches (une longue pratique aux meilleurs sources est évidente). Et en plus il y a un focus original : les services. Alors qu’ils forment plus des 3/4 de l’emploi en France, ils apparaissent rarement dans les ouvrages de référence. Ce trou dans la raquette devrait permettre à une nouvelle génération de creuser leur sillon de kaizen ! livres.onpk.net
  2. Tom-Tom et Nana, les vacances infernales de Jacqueline Cohen, Jacquette Daniel-Rodolphe et Bernadette Després
    Gisèle, ma seconde fille, a bien grandi. En entrant en CP, elle a souhaité mettre fin à son abonnement des « Belles Histoires ». Et quand je lui ai proposé de basculer sur « J’aime Lire », elle a refusé tout net : on n’y trouve plus Tom-Tom et Nana. Nous avons donc emprunté tous les volumes disponibles à la bibliothèque, acheté quelques albums supplémentaires à la librairie puis débusqué de vieux « J’aime Lire » des années 1980 chez Emmaüs. Elle reçoit un numéro par mois dans la boîte aux lettres, après un séjour caché dans ma chambre ! Plus de 45 ans après leur création, les enfants terribles de la famille Dubouchon font toujours recette. Est-ce que je dois dire aux miens qu’il existe des dessins animés de leurs héros préférés ? livres.onpk.net
  3. Strategic Kaizen de Masaaki Imai
    Une nouvelle liste de cas d’entreprise qui ont réussi leur application de la stratégie Lean. Tel est le cœur d’une nouvelle lecture d’inspiration toyotiste. J’ai l’impression que ça vaudrait le coup de passer à autre chose côté lecture désormais : j’ai besoin de plus pratiquer, sur mon gemba et celui de confères, pour confronter des questions pressantes et retrouver des réponses adéquates. De celui-ci, je n’aurais retenu « que » l’important de la détermination de la direction pour une démarche qui voudrait appliquer les principes du TPS (sous l’appellation Flow, Synchronization - Doukika et Leveling - Heijunka dans cet opus). Peut-être que l’augmentation des taux directeurs, la cascade de liquidations et la vague de licenciements donneront enfin envie à une nouvelle génération d’entrepreneurs de laisser tomber le management financier ? En tout cas j’en rêve. livres.onpk.net
  4. M, l’enfant du siècle de Antonio Scurati
    Un livre qui m’aura piégé : tout d’abord parce que je connais la fin (Mussolini fera bien de l’Italie une dictature) et aussi parce que ma routine d’un chapitre par soir avant de dormir a étiré exagérément le temps nécessaire pour lire les 860 pages (chaque chapitre fait entre 2 et 5 pages seulement). Il n’en fallait au moins autant pour vivre la résistible ascension si caractéristique du Duce : on sent très bien dans l’ouvrage d’Antonio Scurati à quel point son pouvoir était un affreux mélange de violence primaire et d’artifice de carton-pâte. Une très belle fresque qui résonne peut-être trop bien avec la fin des partis et l’ère de ces hommes-mouvements s’appuyant sur des bavures policières pour asseoir leur idéal non-démocratique. livres.onpk.net
  5. Blanc de Sylvain Tesson
    Avant, on pouvait s’offrir une traversée blanche dans les Alpes. Sylvain se l’ait offerte avec deux acolytes. Avant, on pouvait déguster des montées en peau de phoque et des descentes dans la poudreuse. Sylvain Tesson nous offre des pages fabuleuses entre mécanique routinière du sportif et plaisir éthéré de l’esthète. De Menton à Trieste, l’hiver déroulait une magnifique couverture de neige et de glace aux audacieux. Certains en revenaient avec des mots, d’autres avec des larmes. Mais tout ça, c’était avant. Désormais nous sommes en 2023 et cette époque semble révolue. Il aurait fallu les suivre - en 2021 - pour en goûter l’un des derniers millésimes. livres.onpk.net
  6. How Buildings Learn de Stewart Brand
    Les bâtiments vivent : ils sont conçus, puis construits, puis ré-aménagés, agrandis, remis au goût du jour, aux normes du moment. Muséifiés parfois, détruits plus souvent. Et ils font tout ça à leur propre vitesse, indépendants des pauvres humains qui ne verront probablement qu’une transformation : ils laisseront à la génération suivant l’opportunité de recommencer. Comme les arbres que nous ne voyons pas grandir, nous ne savons pas apprécier les mutations des bâtiments, maisons et autres structures architecturales. C’est donc à une exploration temporelle que nous convie Stewart Brand : avec un regard tendre sur le bâti, qu’il soit « Low Road » ou « High Road », il arpente leurs ressources infinis et l’inventivité de ses occupants. livres.onpk.net
  7. Au coeur de l’ingénierie Toyota de Olivier Soulié
    Aux japonais, l’ingénierie. Aux français, les achats. C’est sur cette base que Toyota et PSA montent un partenariat technologique pour une génération de petites voitures (qui deviendront les Aygo, C1 et 107) dès 2001 : le projet B-Zéro. Olivier Soulié en sera une des chevilles ouvrières côté Peugeot-Citroën, en tant que Chief Engineer. Une position très privilégiée pour nous faire découvrir, 20 années plus tard, toute la saveur de la conception chez Toyota. Entre anecdotes croustillantes ou déstabilisantes et réflexions personnelles voir intimes, il nous sert de guide bienveillant et drôle afin d’entrevoir - et peut-être de mieux comprendre - les recettes d’une conception patiente, rigoureuse, exigeante et solide. Où chaque instant est d’abord une opportunité pour transmettre un apprentissage… livres.onpk.net
  8. How the World Really Works de Vaclav Smil
    Ceux qui n’ont pas encore lu, écouté ou regardé Jean-Marc Jancovici trouveront forcément dans ce bouquin une grille de lecture fort intéressante : il n’évoque pas les flux financiers qui donnent l’illusion que tout pourra s’acheter un jour; on y découvre des ordres de grandeur, des masses physiques et des flux de matière qui marquent notre modernité et notre dépendance aux énergies fossiles. Les autres seront rassurés que le vulgarisateur français n’est pas le seul à crier sur les toits. livres.onpk.net

Huit bouquins lus, la trentième-deuxième vague

vendredi 25 novembre 2022 :: perrick :: Livres :: aucun commentaire :: aucun trackback
  1. The Toyota Way of Dantotsu Radical Quality Improvement de Sadao Nomura
    La recette de la qualité est assez simple :
    1. mesurer les défauts aux différentes étapes de la production
    2. se fixer des objectifs pour les diminuer
    3. mettre en place un tableau pour suivre les écarts entres le poins 1. et 2.
    4. faire ce qu’il faut pour que ça converge
    Cette quatrième étape est la plus mystérieuse : elle dépend tellement du contexte, à la fois managériale, technique et financier, qu’on a tôt fait de la survoler. La magie du Lean (surtout quand il est poussé à l’extrême, ce que Dantotsu implique) tient dans la poursuite de l’effort. Tout le monde est capable de donner un coup de collier pour un instant. Mais pour tenir dans le temps, la ténacité - et le plaisir - dans les routines est indispensable. Sadao Nomura partage quelques recettes qu’il a utilisé chez Toyota Logistics & Forklift : planning des visites préparé bien à l’avance, formations dispensées régulièrement, asaichi (réunion du matin) précoce pour les réclamations, etc. Une lecture technique stimulante mais réservée aux praticiens confirmés ou industriels. livres.onpk.net
  2. Où sont-elles de Emmanuel Todd
    Que la place des femmes ait profondément changé depuis un siècle, difficile de le contester. Du droit de vote à l’avortement, plusieurs générations de féministes ont fait bouger des lignes. Mais dans cet ouvrage, Emmanuel Todd montre aussi que les dépassement éducatif a déjà eu lieu, et il y a fort longtemps : en 1968 déjà, il y avait plus de bachelières que de bacheliers. En 2018, « pour trouver un tranche d’âge dans laquelle plus d’hommes que de femmes avaient fait des études supérieures longues il faut remonter aux 55-64 ans, avec 14,5% d’hommes et 12,1 de femmes ». Autrement dit, en 2022, nous ne sommes plus très loin d’une majorité de femmes dans toutes les tranches d’âge en activités. Et de fait, j’ai dans mon entourage un nombre conséquent de couples où Madame a fait plus d’études que Monsieur, et régulièrement c’est Madame qui gagne le plus. Ce constat de départ - peu relayé dans nos médias et finalement invisible - ouvre des perspectives à contre-courant sur les questions d’homophobie, de désindustrialisation, de bisexualité : le XXIe siècle ne serait-il pas déjà féminin ? livres.onpk.net
  3. La logique floue de Bernadette Bouchon-Meunier
    J’étais ressorti emballé d’une conférence de Zyed Zalila sur l’intérêt de la logique floue dans le cadre d’une « intelligence artificielle de confiance ». Mes années de mathématiques sont bien loin mais la perspective d’y goûter un peu m’a conduit jusqu’à l’exploration de ce Que sais-je. Et si j’avais oublié qu’un livre de maths ne peut se lire qu’avec un papier et un crayon, je souhaite longue vie à celles et ceux qui réussissent à appliquer ces techniques dans leur quotidien : la promesse de résoudre tous les problèmes dans lesquels on dispose de connaissances imprécises, vagues, soumises à des incertitudes de nature non probabiliste est bigrement alléchante. livres.onpk.net
  4. Welcome problems, find success de Kiyoshi "Nate" Furuta
    Rechercher activement les problèmes est peut-être la phase la plus déstabilisante d’une démarche Lean. Entre la peur du messager et la hantise de la vulnérabilité, les écueils sont nombreux. Il s’agit pourtant de la phase initiale, le fameux Find de la Stratégie Lean. Ki yoshi "Nate" Furuta a travaillé pour Toyota aussi bien aux Etats-Unis qu’en Europe, donc loin des bases japonaises pétries de kaizen depuis des dizaines d’années : il propose dans cet ouvrage un témoignage éclairant sur l’accueil des problèmes. D’abord parce qu’il ne vient pas des équipes industrielles ou de production : son service initiale est la Direction des Ressources Humaines, une fonction qu’on n’évoque que rarement dans la littérature Lean et qui est pourtant cruciale quand on souhaite développer les gens. Ensuite parce qu’il évoque aussi (et peut-être surtout) ses propres problèmes, nous permettant ainsi de le suivre dans ses explorations de résolution : « no problem, no kaizen ». livres.onpk.net
  5. Âme brisée de Akira Mizubayashi
    Voyager dans le temps et l’espace grâce à la musique : quel beau programme pour ce petit roman tout en délicatesse. Une très belle histoire où la beauté de la langue apaise des destins troublés, où musique, instrument et luthier s’unissent pour faire vivre la poésie. livres.onpk.net
  6. Gabriële de Anne et Claire Berest
    Les autrices font remonter à la surface une femme libre et indépendante, muse d’une époque (celle de l’avant-garde et des Années Folles) et femme d’une peintre (Picabia). Avec beaucoup de grâce et de méticulosité, on est plongé dans ce Paris des paillettes et de la quête irrésistible du renouveau artistique où se mêlent tant de grands noms (Picasso, Appolinaire, Duchamp, etc.). Mais c’est aussi une arrière-grand-mère qui se cache derrière ce prénom : le récit s’installe en fin de chapitre dans l’intime et le personnel et offre un point de vue décalé sur cette vie hétérodoxe, entre pudeur et détachement. Un joli contraste avec le magnétisme évident de l’aïeule. livres.onpk.net
  7. Raise the bar de Michael Ballé, Nicolas Chartier, Guillaume Paoli et Regis Medina
    Lancée en fanfare à 19,30 euros, l’action d’Aramis Auto perd peu à peu du terrain depuis (4,68 euros au25/11/2022) : entre temps il y a eu la crise du Covid, celle des semi-conducteurs et celle de l’énergie. Une période difficile pour toute l’industrie automobile. Il n’en reste pas moins que la croissance jusqu’à l’IPO a été significative et désormais cette histoire entrepreneuriale se retrouve dans un livre. Véritable collection de découvertes et d’inspirations, des retours en arrière et d’idées fausses, de percées éblouissantes et de brèches laborieuses, il se distille à chaque relecture. J’ai retenu en particulier l’utilisation des OKR. Chez Google (leur inventeur), ces « Objectives & Key Results » permettent de définir des objectifs ambitieux et de suivre les progrès. Chez Aramis Auto, ils étaient devenus un moyen de commenter les hauts et les bas et d’entendre périodiquement « on fera mieux la prochaine fois » ou « il faut travailler plus dur ». Il reviendra au sensei de rendre visible le processus pour révéler les problèmes et à l’équipe de traiter chaque écart entre la vraie vie ™ et le résultat promis par ce même processus. Découvrant au passage les points de connaissance qui marquent un processus maitrisé. Là où la moyenne (ou la tête de Pareto avec ses fameux 80/20) masque les points durs, le pièce à pièce implique de se donner les moyen de creuser… livres.onpk.net
  8. Takemusu Aiki de Morihei Ueshiba et Hideo Takahashi
    « L'aïkido, c'est le travail du Roi Dragon Ame-no-murakumo-kukisamuhara. » Je n’avais pas encore compris à quel point l’aïkido que je pratique depuis un peu plus de 5 ans est le fruit d’une âme touchée par la grâce, imprégné de mysticisme syncrétique. Et pourtant je suis bien sur ce chemin de « l’agir-vide ». Une chemin pour le corps, ni pour l’intellect, ni pour la volonté. Le cours de reprise après des vacances révèle lui aussi cet évidence : le corps a tôt fait de crier ses difficultés par des courbatures bien senties. « L'aïkido est le principe de la lignée unique des dix mille générations de l’univers. » livres.onpk.net

Huit bouquins lus, la trentième-et-unième vague

lundi 28 mars 2022 :: perrick :: Livres :: aucun commentaire :: aucun trackback
  1. Deep Survival de Laurence Gonzales
    Que se passe-t-il dans la tête et dans le corps des survivants ? Ceux qui survivent à une avalanche ou une chute en montagne, à une avarie en mer ou en vol, ceux qu’on retrouve après des jours perdus en forêt ou bloqués dans les décombres du World Trade Center. Dans un récit digne des mille et une nuit, où s’entremêlent histoire personnelle, récits et compte-rendus scientifiques, Laurence Gonzales insiste sur la prise en compte rapide et radicale de la nouvelle réalité qui s’impose, l’émerveillement face à la beauté environnante, l’obstination dans les routines qui permettent d’avancer, l’attention au besoin du corps (repos, chaleur), la découverte des capacités insoupçonnées et l’attachement intime et profond à des figures personnelles ou familiales (un mari, une épouse, un enfant, un ami). Une lecture captivante, où la limite entre vie et mort est toujours émouvante. livres.onpk.net
  2. The Birth of Lean de Takahiro Fujimoto et Koichi Shimokawa
    Derrière les conversations, parfois plutôt techniques, avec les ingénieurs de Toyota qui ont mis sur pied le TPS (et donc le Lean), on décèle vite le côté très empirique du process, dès les années 1950, entre machines d’occasion et contraintes budgétaires de l’immédiat après-guerre. Un process qui n’a pas encore trouvé son terme quand on sait que les fameux A3 ou l’Obeya sont arrivés bien plus tard. Bien sûr les maximes contre-intuitives bourgeonnent : « il faut doter la ligne à un niveau où elle s’arrête 10% du temps. C’est le seul moyen de rendre les problèmes visibles. » Ou « la sagesse naît des idées des novices. Les vétérans déblatéreront sur ce qui est possible et ce qui ne l’est pas sur la base de leur expérience sur d’un minimum de connaissances. » Mais c’est finalement d’autres aspects du modèle Toyota qui m’interpellent : la pari financier - audacieux et réussi - de construire la première usine dédiée aux voitures personnelles au Japon (ce sera Motomachi) ou celui - moins glorieux - de son dirigeant qui en 1998 ne sait pas encore si une augmentation du CO2 aura un impact sur la température globale, ni même si ce serait une mauvaise chose, alors qu’il est en passe de sortir la fameuse Prius. livres.onpk.net
  3. L’approche Lean pour la transformation digitale d’Yves Caseau
    Une bibliographie extrêmement complète et un CV prestigieux ne font pas toujours un grand livre : dommage qu’il n’y ait pas plus de chair dans ce survol des techniques et des promesses du numérique. livres.onpk.net
  4. Half of a yellow sun de Chimamanda Ngozi Adichie
    Dans un Nigeria qui sort à peine de l’indépendance, deux soeurs quittent le cocon familiale d’un businessman influent. Il faudra la terrible guerre du Biafra (1967-1970) pour que leurs liens se retissent. Accompagnées par une intellectuel, un expatrié anglais et un jeune domestique, elles proposent un portrait vivant et dramatique des Sixties nigériannes : une « vérité émotionnelle » qui claque pour une période historique mal connue. livres.onpk.net
  5. Surviving Survival de Laurence Gonzales
    Après avoir écrit sur la « survie » dans son précédent essai, Laurence Gonzales s’est attelé à la « vie » : ce long moment qui succède à l’accident, au choc et au trauma. En croisant des histoires poignantes avec des déambulations au coeur de la recherche en neuro-science, il nous plonge dans les arcanes de la mémoire humaine, des circuits et courts-circuits qui l’irrigue. Une ode à la résilience et au travail pour se transformer… Et un hommage à ceux qui ont trouvé cette tâche trop difficile. livres.onpk.net
  6. La Cité à travers l’histoire de Lewis Mumford
    Si les inspirations sur la genèse des regroupements humains de la préhistoire ne m’ont pas convaincu, la recherche documentaire à partir de l’ère hellénistique est magistrale. J’ai été particulièrement frappé par la transition baroque : sur la désagrégation de l’ordre médiéval (la fortification des bourgs, la puissance de l’Église, l’indépendance des guildes), émergent les structures de l’ordre : plate monotonie classique entre « rigueur des tracés » et « ordre concerté et formel des jardins et du paysage ». Le pouvoir royal applique ses contraintes sur les éléments bâtis, du Champ de Mars aux larges avenues et autres palais démesurés. La ville y perd déjà son côté organique et la Révolution industrielle ne pourra qu’agrandir ce fossé avec « l’échelle humaine ». livres.onpk.net
  7. Sensei Secrets: Mentoring at Toyota Georgetown de Steven R. Leuschel
    Les grands généraux ont besoin d’une guerre pour émerger : la Révolution française aura été prolifique en la matière, la résistance ukrainienne fera aussi émerger son lot de héros. J’ai l’impression que le Lean a vécu quelque chose de similaire avec les difficultés de Toyota qui ont été nécessaires pour qu’un groupe d’ingénieurs japonais sorte leur entreprise de la quasi-faillite dans les années 1950 et en fasse un n°1 mondial un demi-siècle plus tard. Cette génération de senseis a quitté la scène désormais. Et le titre de l’ouvrage promettait d’en apprécier l’éclat. Malheureusement il s’agit d’un ouvrage très académique et finalement avare en anecdote. Reste que l’accent mis sur la sécurité psychologique est particulièrement prégnant. J’y ai trouvé aussi un passage toute à fait éclairant sur la percolation du TPS à travers les salariés américains en formation au Japon : you don’t learn by somebody telling you what you gonna learn, you learn by going through that experience yourself. livres.onpk.net
  8. Apprendre à apprendre avec le Lean de Michael Ballé, Jacques Chaize, Régis Medina et Anne-Lise Seltzer
    Autant le dire dès le début : je ne m’attendais pas à tenir entre les mains un pamphlet économico-politique. Les auteurs avaient décidé de faire autre chose qu’un énième livre sur le Lean. Quel bonheur de découvrir une vision aussi claire et humaine de que peut (doit ?) être une vie en entreprise. Entre la (les) crise(s) qui s’annonce(nt) et l’impasse du chemin exploitant balisé par des cabinets de conseil jusque dans nos services publics, cet appel à l’intelligence et à l’apprentissage via les outils du Lean mérite qu’on le lise et le relise. Et ceux qui seraient prêts à céder aux sirènes de l’entreprise libérée trouveront des outils et surtout un cadre de pensée pour faire atterrir leur souhait d’apprentissage continue, d’adaptation agile et de proximité terrain dans leurs propres pratiques du quotidien. livres.onpk.net

Huit bouquins lus, la trentième vague

mercredi 21 juillet 2021 :: perrick :: Livres :: aucun commentaire :: aucun trackback
  1. L’économie désirable de Pierre Veltz
    Le monde a changé, et tandis que les initiatives locales foisonnent (j’y participe même parfois, comme avec MLML), le niveau étatique apparaît comme le seul capable de forcer le passage du cap des contraintes écologiques. C’est donc pour rendre désirable cette mutation que Pierre Veltz plaide pour une économie « humano-centrée » : quitter le paradigme « garage - salon - cuisine » pour aller vers quelque chose de plus sobre, de plus vert, de plus distribuée, de plus planifiée. livres.onpk.net
  2. Lean et leadership de Cécile Roche
    Passer du « comment tu peux le faire » à « comment je l’ai fait » : c’est l’angle choisi par Cécile Roche pour son dernier opus. En interviewant patrons et directeurs, elle renverse sa position d’experte pour explorer de nouvelles facettes du Lean. Et ces dirigeants - français - se prennent donc au jeu de l’introspection et de l’exploration : celui qui leur permet de préciser comment ils (re)trouvent du plaisir et de l’intérêt pour leur métier. Une chance (celle de découvrir le Lean) sur laquelle j’ai aussi eu la bonne idée de tomber. livres.onpk.net
  3. La Forêt sombre de Liu Cixin
    On continue la trilogie... livres.onpk.net
  4. La Mort immortelle de Liu Cixin
    Pas étonnant que Barack Obama ait demandé de lire le troisième volume en avant-première: le souffle de l’épopée est enivrant. Entre décryptage poétique et dérive spatio-temporelle, j’ai été transporté loin, très loin. livres.onpk.net
  5. Wardly Mapping, the Knowledge - part one de Simon Wardley
    Les billets de Simon Wardley étaient dans mon lecteur RSS depuis très longtemps mais comme j’avais pris ses explications en cours de route, j’étais resté sur un bas-côté numérique, sans les lire, le temps que l’opportunité repasse. C’est donc un certain Mark Craddock qui m’en aura fourni l’occasion : en publiant en livre cette somme de billets, il utilisait toute la puissance des Creative Commons et m’offrait au passage la possibilité de me rattraper en dévorant un kilogramme de papier. Et donc d’y puiser enfin des techniques pour penser « stratégie ». On y retrouve bien sûr des traits communs avec la « stratégie Lean », à commencer par l’importance de mettre l’utilisateur (ou le client) au centre et par la nécessité de connaître l’environnement (les concurrents, la société, les fournisseurs). Reste que l’axe « genèse / sur-mesure / produit / commodité » apporte une approche toute particulière au travail cartographique. livres.onpk.net
  6. The Scottish Enlightenment de Arthur Herman
    Dix années à Londres m’avaient bien fait comprendre que l’Angleterre n’était pas le Royaume-Uni. Mais je n’avais jamais réalisé à quel point l’Écosse avait été cruciale pour la révolution industrielle en Grande-Bretagne et pour l’empire britannique, aussi bien du côté intellectuel que matériel d’ailleurs. Dans cette biographie territoriale, l’auteur propose de remettre quelques pendules à l’heure d’Édimbourg ! Une lecture salutaire pour tenter de comprendre ce qui se joue derrière les référendums outre-Manche. livres.onpk.net
  7. A month in Sienna de Hisham Matar
    Un écrivain d’origine libyenne déambule à Sienne, entre souffrance familiale, rencontres fortuites, exploration architecturale et auscultation des oeuvres majeurs de la renaissance locale. Avec le privilège de pouvoir retourner au musée s’imprégner de l’esprit des peintres du passé. Et c’est ma propre mélancolie qui remonte, à l’époque où je pouvais aller m’assoir périodiquement dans la pièce des Rothko de la Tate Gallery sans être dérangé, pour 5 ou 30 minutes, n’importe quel jour de la la semaine : Hisham Matar l’évoque avec tellement de délicatesse. livres.onpk.net
  8. Où suis-je ? de Bruno Latour
    « Non, décidément, [un héros de roman] ne peut calmer ses inquiétudes qu’en posant son regard sur la lune. » Maintenant que nous sommes bloqué sur terre (merci le confinement), Bruno Latour nous invite à l’exploration des nos inter-dépendances avec et au sein de Gaïa : la métamorphose a commencé. livres.onpk.net

Huit bouquins lus, la vingt-neuvième vague

vendredi 26 mars 2021 :: perrick :: Livres :: aucun commentaire :: aucun trackback
  1. L’étrange défaite par Marc Bloch
    On n’a pas accordé assez d’attention, dans le public, à la loi qui, peu avant la guerre, dota la hiérarchie militaire de deux nouveaux échelons. Cette phrase résonne bien étrangement autour de la création de l’échelon des Agences Régionales de Santé avant et du non-renouvellement des élites politico-administratives pendant. Je suis ainsi sidéré de voir qu’aucune figure n’ait émergée de l’épisode coronesque en France, même pas dans le monde médicale où des guéguerres de couloirs entre mandarins donnent le dégoût. On me pointera que c’est à la télé que cette émergence se fait, et comme je n’y regarde que les matchs de rugby des 6 nations, je suis peut-être passé à côté d’eux : je ne demande qu’à être surpris… Dans la France de 1939 (…) appuyé sur la finance et la presse, le régime des « notables » n’était pas si « fini » que cela. Peut-être surtout que 12 mois de pandémie ne sont pas encore assez pour faire advenir un monde d’après. livres.onpk.net
  2. The Road by the River par Djohariah Toor
    Au bout d’une chaîne de trois femmes qui se sont passées le livre sur 20 ans, j’ai fini cet ouvrage de développement personnel par une femme et pour des femmes. Si son exploration régulière des rêves me laisse au bord d’une route inconnue (je ne me souviens que très rarement de mes propres songes), je perçois l’importance de ces quêtes intérieures au féminin, entre burn-out fatidique et sursaut existentiel. livres.onpk.net
  3. Human Scale Revisited de Kirkpatrick Sale
    À l’heure où les problèmes les plus pesants se situent au niveau mondial (des migrations au changement climatique, de la pandémie de 2020-2021 à l’effondrement de la biodiversité), Kirkpatrick Sale écrit un plaidoyer très convaincant sur l’importance de l’échelle locale pour l’éducation de nos enfants, la surface de nos villes, la hauteur de nos habitations ou la taille de nos communautés. La « meilleure » énergie, celle du soleil et du futur, n’est-elle pas foncièrement écologique (sans pollution), démocratique (pas de discrimination entre voisins), décentralisée (au moins pour sa transformation initiale), gratuite (les photons débarquant sans se soucier du porte-monnaie) et donc idéale pour un monde localiste. Reste que Geoffrey West montre aussi la force d’attraction des villes pour engendrer de nouvelles idées, de nouvelles richesse, même au prix d’une accélération du rythme de la marche ou d’un bond de la criminalité. Pas certain qu’une telle transition puisse se faire en douceur. Et même alors, ce ne sera pas la fin des villes pour autant : centre d’un empire effondré, Rome reste la capitale et la ville la plus importante (au moins par sa population) de la péninsule italienne. livres.onpk.net
  4. Organizing Genius: The Secrets of Creative Collaboration de Warren Bennis et Patricia Ward Biederman
    Titillé par l’infolettre de Matt Clifford (un autre de ces VC dont le business est aussi d’écrire des trucs intéressants), j’avais commandé ce livre sans imaginer qu’il y aurait autant de pratiques Lean dans ces études de cas, tous américains. On y retrouve ainsi le charisme de leaders techniques (le Chief Engineer), l’importance de la collaboration entre membres de l’équipe et la quête de l’amélioration continue (du kaizen pour tout le monde), la responsabilité de la direction pour enlever les obstacles - en particulier administratifs - sur le chemin de l’équipe (la chaîne d’aide dans un contexte où les problèmes passent d’abord), etc. Cette énergie et cette passion qui émergent des grands exemples du bouquin (entre le studio Disney et le projet Manhattan), j’ai eu le sentiment de les partager à Festar (un festival d’expression artistique) au tournant des années 2000. Et quand bien même nous n’avons pas révolutionné le monde, les souvenirs partagés avec les personnes si différentes qui ont gravité autour du projet me dévoilent à quel point participer à une « great team » peut être un privilège dans une vie. livres.onpk.net
  5. Social Physics: How Social Networks Can Make Us Smarter de Alex Pentland
    Cette belle collection d’expérimentations sociales prend un tour tout à fait particulier en cette ère de pandémie. Le livre montre en particulier l’importance de la pression sociale dans les pratiques individuelles : « quand des gens interagissent par petits groupes, la capacité de punir ou de récompenser ses pairs est très efficace pour promouvoir un comportement coopératif et confiant. » Ainsi pour modifier les habitudes d’une personne, il est beaucoup plus efficace d’encourage son réseau et ses amis à en changer, plutôt que d’inviter uniquement cette personne à suivre de nouvelles habitudes. De la même manière, créer des pauses synchrones dans une équipe augmente les interactions en son sein et augment sa productivité ! Reste à retrouver synchronicité et proximité par temps de distanciation sociale et de télé-conférence continue. livres.onpk.net
  6. Le problème à trois corps de Cixin Liu
    Rien de tel qu’un excellent roman de SF pour se sortir des problématiques économiques ou sanitaires. Alors que la planète semble s’auto-détruire (entre révolution culturelle et ravage écologique), le pouvoir chinois lance des recherches pour tenter d’identifier des civilisations extra-terrestres. Quarante années plus tard, il faudra en gérer les conséquences… À commencer par mes nuits qui ont eu quelque peu tendance à rétrécir pendant cette lecture captivante. livres.onpk.net
  7. Super Fonceuse de Bérengère Delaporte et Jean Leroy
    Le livre préférée de la petite fonceuse à la maison. Une histoire de super-héroine qui a tout ce qu’il faut dans la tête pour se défaire des extra-terrestres (à commencer par les trisolariens de Cixin Liu). Avec de très belles illustrations qui sent bon le « fait main ». livres.onpk.net
  8. Training Within Industry: The Foundation of Lean de Donald Dinero
    D’un problème de polisseurs de verre en 1940 est sorti une bible de la formation en entreprise : le TWI (ou « Training Within Industry ») et ses quatre programmes dont il ne fallait pas changer une virgule dès 1943. Oublié dès la fin de la guerre, il aura fallu un long détour par le Japon en reconstruction des années 1950 pour qu’il revienne sur le continent américain avec Toyota plus de trois décennies plus tard. Reste que cette base du comment se comporter en entreprise - surtout quand on est un manager - mérite qu’on s’y attarde de nouveau : un peu de méthode scientifique ne fait jamais de mal. livres.onpk.net

Huit bouquins lus, la vingt-huitième vague

mardi 29 décembre 2020 :: perrick :: Livres :: aucun commentaire :: aucun trackback
  1. Through the Flower : mon combat d’artiste femme par Judy Chicago
    Judy Chicago aura participé dans les années 1970 à l’effort commun de nombreuses femmes pour changer le monde. Son combat personnelle aura été de proposer un art au féminin, par et pour des femmes. Lors de notre séjour à New-York, Peggy avait insisté pour aller voir son œuvre la plus connue : « The Dinner Party », une installation épique qui continue de marquer le mouvement féministe plus de 40 années plus tard.
    livres.onpk.net
  2. Hannah Arendt par Sylvie Courtine-Denamy
    À la fois biographie intellectuelle et thématique, les 400 pages proposent un portrait en mosaïque de la plus grande penseuse du XXe siècle. Alors qu’elle refuse le qualificatif de « philosophe », elle pensera toutes les grandes questions de son temps. Et elle nous fournira des fulgurances précieuses pour aller chercher le vivant par delà les expériences traumatisantes d’une Europe ravagée. Et pendant que les États-Unis s’enfoncent dans les méandres de l’étrangeté et de la bizarrerie, ses réflexions sur son pays d’adoption laisse songeur. Incapables de résoudre la question raciale, ils sont contraint de voir émerger le danger de la violence : une violence qui « n’est pas révolutionnaire car elle n’est pas un moyen en vue d’une fin : personne ne songe même à prendre le pouvoir ». Avec la crainte - déjà - du retour de balancier : « une réaction blanche qui affecterait jusqu’au gouvernement et qui signerait la fin de la République américaine ». 2016 nous avait apporté des indices, 2020 pourrait être l’année de la confirmation. livres.onpk.net
  3. Guérir son enfant intérieur de Moussa Nabati
    Ce n’est pas souvent que je lis un livre complet pour 10 lignes. Ce fut pourtant le cas cette fois : il fallait que je lise la dizaine de cas sur plus de 200 pages pour déceler une ou deux clés. Le reste dormira encore un peu dans les méandres de ma mémoire profonde. livres.onpk.net
  4. An Introduction to General System Thinking de Gerald M. Weinberg
    Les livres de Gerald M. Weinbert ont eu une certaine influence sur mon début de carrière (Becoming a technical leader en particulier). En croisant son nom dans une liste d’ouvrages sur les systèmes , je l’ai pris les yeux fermés. Et si la liste d’axiomes, de lois et de principes est assez large pour offrir plus qu’un aperçu de cette « pensée systémique », le ton - très académique - et les exemples - peu ancrés dans la vie - classe le livre dans la catégorie « austère ». Et ce sont finalement les questions à la fin de chaque chapitre qui feront travailler la matière grise : des thématiques aussi larges que la libération des femmes, l’archéologie, la philosophie ou la contemplation des nuages (avec un lire de Marc Bloch dans la poche) seront toutes prétextes à des questions impertinentes. livres.onpk.net
  5. La dynamique du capitalisme de Fernand Braudel
    Encouragé par la plume de Nicolas Colin, je me suis plongé dans ce petit livre d’histoire. Dans cet assemblage de trois conférences, Fernand Braudel nous invite à faire le distinguo entre d’une part l’économie de marché et d’autre part la capitalisme. Une distinction qu’on trouve dès la Renaissance italienne. D’un côté il y a des « échanges transparents », réguliers et prédictibles, qui permettent de transporter du blé ou de l’huile, du vin ou du bois entre des villes plus ou moins éloignées mais toujours reliés par un ensemble de règles et d’habitudes partagées. Et de l’autre, l’échange fuyant le contrôle et privilégiant l’arbitraire et/ou l’arbitrage : une forme de « contre-marché », un private-market qui prospère sur les asymétries (de capital, d’information), qui dépend de privilèges (offerts et garantis par le Prince) et qui se recycle au gré des opportunités (profitant de sa forme liquide). Les shadow-banks et autres fonds de private equity deviennent alors l’actualisation moderne de l’effort du capital à s’extraire de la visibilité des grandes bourses et des règles prudentielles imposées par la puissance publique. livres.onpk.net
  6. Le Modèle italien de Fernand Braudel
    « Ville contre État, disons lièvre contre tortue. » L’Italie, contrée des villes-états (Florence, Gênes, Venise, Milan, Sienne, etc.) aura donc son heure de gloire avant que ses grands voisins ne la surpassent avec leurs puissantes administrations unifiées. Passée si proche d’une révolution industrielle dès le XVe siècle, elle rayonnera par les arts, la finance, le commerce, la science jusqu’au XVIIe. Et coincée dans la Méditerrannée, elle laissera l’Atlantique et ses grands espaces à d’autres. Il nous reste cette marque culturelle indélébile que Fernand Braudel nous restitue à merveille : « tout le ciel de l’Europe en a été éclairé. » livres.onpk.net
  7. Lean en France - Réussir autrement, l'entreprise au XXIe siècle de Catherine Chabiron
    La formule du Lean est simple : « kanban + kaizen » (ou alors « just-in-time + respect for people »). Et pourtant les pratiques et surtout les points de vue sont tellement larges. C’est cette diversité qu’explore Catherine Chabiron à travers ses visites de terrain, à chaque fois en quête d’une nouvelle facette du Lean à découvrir. Il y en a pour tous les goûts : de l’entrepreneur au Lean officer, dans le BTP, les services ou le numérique. Et à chaque fois, c’est l’envie de progresser qui transparaît : par la satisfaction des clients bien sûr, mais aussi par le respect des équipes. Une radioscopie foisonnante dans l’industrie française, au tout du moins celle qui tient encore debout. livres.onpk.net
  8. The Square and the Tower de Niall Ferguson
    Niall Ferguson, historien écossais désormais basé à Stanford, propose une exploration de l’articulation entre réseaux et hiérarchies par des exemples soigneusement choisis pour couvrir une très large période qui s’étend de la fin du Moyen-Âge à nos jours. Loin des canons de la Big History (qui proposerait des grands coups de pinceaux pour rendre compte de la fresque humaine), ses petites touches mettent surtout en relief et en parallèle deux découvertes majeures : l’invention de l’imprimerie et celle de l’internet. En espérant que la seconde ne débouche pas trop vite sur la violence qui aura découlé de la première, entre la Réforme et les campagnes napoléoniennes. Après tout, on peut aussi imaginer que ses conseils aux puissants aient de l’impact… livres.onpk.net

Huit bouquins lus, la vingt-septième vague

dimanche 30 août 2020 :: perrick :: Livres :: aucun commentaire :: aucun trackback
  1. Les ardents par Nadine Ribault
    Dans une campagne du Nord de la France sévit une bien étrange maladie : le mal des Ardents. Au milieu des bruyères, il y a aussi un château, des intrigues et des passions. Un univers d’amour courtois et de confinement sanitaire où s’entremêlent une châtelaine au cœur sec, un fils aguerri aux combats, une épouse recluse, des amis déchirés et un berger coquin dans une prose fine et précieuse. livres.onpk.net
  2. Et s’il était possible d’être un parent équilibré par Anne-Sophie Thiry
    Même avec deux petites filles extra, il n’est pas toujours si simple de désamorcer les crises, de répondre calmement et d’accompagner avec une douceur constante et une empathie intense. Ce livre propose des outils concrets pour tenter d’y arriver. J’y ai aussi pioché quelques trucs : se baisser au niveau de l’enfant (en se mettant à genoux par exemple) quand on doit expliquer quelque chose d’important, les féliciter pour chaque cap d’apprentissage (les premiers pas, les premières siestes sèches, etc.) et aussi pour les petites joies du quotidien, reformuler les débordements de colère pour désamorcer le trop-plein d’émotion en cas de crise (le vocabulaire n’étant pas toujours acquis), etc. Les neufs chapitres très didactiques avec résumés réguliers, pistes de lecture et questions d’introspection permettent d’explorer ces questions cruciales (et aux réponses pas toujours aisées, j’en ai bien conscience). livres.onpk.net
  3. The architecture of Community par Léon Krier
    Si Le Corbusier est largement admiré pour la puissance de sa vision architecturale, personne ne regrette que son projet pour Paris (la fameux plan Voisin de 1925) n’ai jamais vu le jour. Et surtout pas Léon Krier : cet architecte et théoricien luxembourgeois a décidé de célébrer l’architecture classique le jour où il a découvert la Cité radieuse de Marseille pour en être aussitôt dégoûtée. Dans cet opus, il livre une critique féroce de la « modernité » en architecture et en urbanisme. Les petites illustrations qui parsèment le livre font systématiquement mouche : la recherche du beau, de la maturité, de la juste proportion devrait être la quête de l’architecte et de son alter-ego urbaniste. On la trouve dans les quartiers du quart d’heure à Paris (sans voiture), la densité de Boucle d’Or (entre 3 et 5 étages, comme pour la tour Eiffel), la mixité bureaux - habitation - loisir (celle qui émerge à Euratechnologies ou à Poundbury). Reste qu’entre les trouvailles d’un Wrath of Gnon pour mettre en avant la magie de la tradition vernaculaire et les volontés d’un POTUS d’imposer un classicisme bling-bling, ce sont bien les Chinois qui construisent en masse pour ce XXIe siècle. livres.onpk.net
  4. Le temps de la haine de Rosa Montero
    J’ai retrouvé la répliquante Bruna Husky dans une enquête terroriste cette fois. La population madrilène bouillonne, chauffée à blanc par un multi-milliardaire au solutionnisme primaire, les habitants de Cosmos dans leur sphère en orbite se préparent aussi. Entre exécutions sommaires et pollution inégalitaire, il reste l’amour, l’amitié et la solidarité d’une famille choisie. Alors qu’il ne lui reste qu’un peu plus de trois années et trois mois à vivre. livres.onpk.net
  5. The Rise and Fall of the Great Powers de Paul Kennedy
    Et à la fin il en restait cinq : la Chine, le Japon, la CEE, l’Union Soviétique et les États-Unis. Auparavant il y avait eu cinq siècles de batailles, de guerres et de combats pour la pré-éminence mondiale. Avant le début, il y avait eu les Empires Ming, Perse, Ottoman, Moscovite, Moghol. Et cette double poignée de petits états européens toujours prompts à se chamailler les uns les autres. Entre ces deux bornes, Paul Kennedy décrit avec précision les forces, économiques surtout, qui expliquent comment chaque nation parvient à son zénith avant d’être rattrapée par une autre, ce passage au « sommet » n’étant toujours qu’une éphémère suspension. La fin, c’est 1987 : l’UE et la Russie n’existent pas encore. Depuis le parapluie US s’est étendu avant que Trump ne siffle la fin de la partie. Et ce que Paul Kennedy notait pour le Japon semble devenir une maxime pour notre XXIe siècle : parfois l’expertise commerciale et la richesse financière ne suffisent plus dans le monde anarchique des politiques internationales de puissance. livres.onpk.net
  6. Disunited Nations de Peter Zeihan
    Il faut être américain pour écrire avec autant de désinvolture un livre de géostratégie : Peter Zeihan l’est assurément. Il peut donc terminer ses paragraphes par des envolés à l’emporte-pièce : « it’s worse than it looks » ou « in a word : outdated ». Reste que l’intérêt d’un pinceau aussi « rough » pour brosser le portrait de onze pays (du Japon aux États-Unis en passant par l’Iran ou l’Argentine) tient dans le point de départ : à l’heure où Washington est en reflux, la géographie et la démographie vont retrouver une importance prépondérante. Et si on le suit, la France pourrait en tirer son parti : entre le Royaume-Uni quittant l’Union Européenne pour s’amarrer aux cousins outre-Atlantique et l’Allemagne à la démographie plombée, elle peut compter sur du nucléaire pour compléter la qualité de ses terres agricoles et la relative bonne tenue de son taux de natalité. Chouette : on devrait pouvoir manger de la viande plus longtemps, continuer à se chauffer par temps gris et calme tout en s’offrant une escapade militaro-minière en Afrique périodiquement. Reste au futur à bien se comporter… livres.onpk.net
  7. Learning to scale de Régis Médina
    En s’appuyant directement sur la maison Toyota - dont le toit est composé de la satisfaction client, de la qualité, du coût et du lead-time, les murs du Just-In-Time et du jidoka et les fondations de la stabilité et du respect (pour les équipes puissent travailler et apprendre) - Régis Médina propose un résumé très orthodoxe de la stratégie Lean. Plutôt orienté pour les sociétés du numérique, cet ouvrage présente l’ensemble des outils qui ont été découvert ou repris au sein des usines Toyota depuis 1937. Avec un mélange de courtes présentations théoriques et d’invitations à la pratique, il permet de se familiariser avec les questions que posera un Senseï. Car celui « qui est né avant » n’apparaît pas dans ce livre, il viendra sur le Gemba de ceux qui iront un peu plus loin et accepteront d’être confronté à leurs idées fausses. livres.onpk.net
  8. Du labeur à l’ouvrage de Laëtitia Vitaud
    J’avais beaucoup d’attente sur ce livre : pour une fois que ma penseuse préférée était citée dans les inspirations d’un livre en français, j’allais peut-être décelé de nouvelles pistes à creuser. Mais finalement non, Jane Jacobs n’apparaît même pas dans la biographie. Reste donc une exploration fine du travail « de proximité » : entre résistance structurelle à la taylorisation et invisibilisation par les pouvoirs en place, ce secteur représente la prochaine frontière de notre pacte sociale. La crise du Covid-19 a bien mis en évidence l’importance de ces travailleurs de la première ligne : ils n’ont pas cessé de travailler pendant le confinement, ils tombent rapidement malades avec la deuxième vague - celle des retours de vacances. Leurs institutions sont encore à venir, reste à voir d’où elles émergeront. Bien sûr le Ségur de la santé n’aura pas été à la hauteur. Et après la tentative avortée du « care » à-la-Martine Aubry, la balle semble désormais du côté des Vert-e-s, si tant est qu’ils puissent saisir cette balle au bond. Heureusement en tout cas que certains combats arrivent à percer la bulle médiatique. livres.onpk.net

Huit bouquins lus, la vingt-sixième vague

mardi 17 décembre 2019 :: perrick :: Livres :: aucun commentaire :: aucun trackback
  1. Pourquoi les Chinois ont-ils le temps ? par Christine Cayol
    Au delà des clichés sur les vieux chinois en train de s’assouplir pendant une séance de tai-chi-chuan au cœur d’un jardin public, Catherine Cayol nous partage quelques réflexions sur la manière de prendre son temps à Pékin. Entre le temps « affectif » qui alterne les étapes d’ensemencement (forcément longues et souterraines) et celles de récolte (actives, denses et constructives), elle nous distille étonnements et anecdotes. A commencer par l’importance de savoir créer une atmosphère propice à ce qui devra arriver ! Et surtout il ne faut pas tirer sur les tiges pour qu’elles grandissent : la ponctualité peut aussi attendre. livres.onpk.net
  2. Competing against luck par Clayton M. Christensen, Karen Dillon, Taddy Hall et David S. Duncan
    Parce que trouver pourquoi un produit (ou un service) fonctionnera n’est pas si facile, l’auteur du fameux The Innovator's Dilemma et de son cortège de technologies disruptives arpente dans cet opus très accessible une nouvelle approche de cette quête. Armer d’une question renouvelée, « quel est le boulot pour lequel tel client a embauché tel produit ? », il invite chaque entrepreneur à retrouver l’expérience profonde qui mène au choix d’un produit. Une fois cette connexion réalisée, il s’agit de s’appuyer sur cette compréhension nouvelle pour en améliorer les caractéristiques, revoir son positionnement par rapport aux alternatives (et non par rapport aux concurrents directs) et enclencher de nouvelles innovations. Les pratiquants Lean - aussi bien ceux du parfum à la mode Lean Startup que les autres du canal TPS historique - y piocheront probablement une ré-assurance de leurs gestes plus ou moins réguliers. Mais n’importe quel entrepreneur y trouvera matière à réfléchir sur sa propre pratique. livres.onpk.net
  3. Peuplecratie par Ilvo Diamanti et Marc Lazar
    Parce que le populisme est un mot à la mode, en lire l’histoire en Italie et en France permet de se rappeler quelques circonstances favorables à son éclosion : une nouvelle technologie (si possible qui favorise la communication directe), une crainte identitaire (pour créer un bouc-émissaire commode), une crise sociale et économique (1929, 2008), une exigence de changement démocratique (dans le cas présent, plus de RIC, mois de parti). Et dans ce jeu politique en plein remaniement, il ne reste aux familles partisanes qu’à surfer sur ces piliers pour espérer passer le cap. Macron aura montré le chemin quand ça marche, mais LREM - avec son incapacité à peser sur la société - l’aura précédé dans l’impasse. livres.onpk.net
  4. Demain les chiens de Clifford D. Simak
    Les hommes ont disparu de la Terre. Ont-ils seulement existé ? Est-ce juste une fable que se raconte les chiens encore présents sur la planète ? Une série de nouvelles véritablement utopiques sur ce que peut laisser une humanité à ses plus fidèles compagnons. livres.onpk.net
  5. Mon père, ce tueur de Thierry Crouzet
    Il y a d’abord le choc des armes à feu et la violence de la guerre. Il y a aussi une écriture fine, concise et sans fard. Et puis surtout des cercles presque proustiens faits d’aller-retour entre l’enfance de l’auteur, la mort du père et son temps sous les drapeaux. Un jeu de miroir cassé où les arrêtes sont saillantes et les nerfs à vif, où la sauvagerie affleure à travers ce père tellement plus à l’aise avec ses fusils qu’avec son fils. En toile de fond, il y a l’Algérie et sa guerre d’indépendance. Une guerre qui n’existe pas dans ma famille : mes deux grands-pères l’ont évitée, l’un est né belge, l’autre était déjà revenu de ses classes effectuées au Maroc en 1954. Mais une guerre quand même, dont les traces ne sont visiblement pas encore exorcisées. livres.onpk.net
  6. Scale de Geoffry West
    Qu’on marche plus vite à Paris qu’à Lille n’est donc pas une anomalie que tous les nordistes (et moi le premier) doivent conjurer quand ils tentent de prendre le métro en gare du Nord mais bien une conséquence des lois d’échelle qui existent au sein des centres urbains. Cet écart se retrouve aussi dans le nombre de brevets, le montant du PIB ou le taux de criminalité, à chaque fois avec un ratio identique. Ces lois d’échelle des êtres vivants, des villes et des entreprises (de croissance sur- ou sous-linéaire) sont le fruit de nombreuses collaborations du physicien Geoffrey West au sein du Santa Fe Institute ainsi qu’une passionnante exploration mathématique. Et au passage une confirmation des intuitions géniales de Jane Jacobs. Il ne me reste plus qu’à reprendre mes cours sur les fractales : je ne pensais pas croiser mes réflexions urbaines avec mes restes vagues d’étudiant en mathématiques, mais l’occasion est vraiment trop belle ! livres.onpk.net
  7. Conversion Code de Chris Smith
    Ce livre est de fait un « standard », le fruit d’une technique efficace et éprouvée pour atteindre un objectif (dans le cas présent, vendre par le web). Landing pages, campagnes sur les réseaux sociaux et appels téléphoniques sont décortiqués, expliqués et mis en perspective. Reste bien sûr - comme dans toute démarche Lean - à appliquer puis améliorer ce standard au sein d’une équipe marketing & commercial : j’y ai pioché pour No Parking une exigence beaucoup plus forte pour diminuer drastiquement nos temps de réponses aux créations de compte via notre site web. Mais je me refuse toujours à utiliser les campagnes publicitaires Facebook ou Google que l’auteur met en avant. On mène aussi les combats éthiques qu’on veut. livres.onpk.net
  8. Balade avec Épicure de Daniel Klein
    Une nouvelle exploration du temps : cette fois-ci à Hydra, en Grèce. L’occasion de découvrir et de suivre une vie à un autre rythme, sous le signe d’Épicure et du grand âge. Et comme de par hasard, il aura suffit de trouver un coin sans voitures et sans routes pour profiter du ralentissement et de la contemplation : un corollaire philosophique des découvertes de Geoffrey West dans son Scale.

Huit bouquins lus, la vingt-cinquième vague

lundi 30 septembre 2019 :: perrick :: Livres :: aucun commentaire :: aucun trackback
  1. La France des territoires, défis et promesses par Pierre Veltz
    J’avais découvert l’auteur lors de sa campagne de promotion de son précédent ouvrage La société hyper-industrielle. Et je m’étais mis en tête de lire les suivants : loin d’appuyer sur les fractures de l’archipel français ou sur ses périphéries déchirées, il invite au changement de focal et à la complémentarité. Ainsi vue de Chine, la France avec ses 60 millions d’habitants se situerait quelque part entre l’agglomération de Shanghai (70 millions) et celle de Canton (50 millions avec les autres villes de la mégalopole du delta de la rivière des Perles) et bénéficie d’un réseau de transport en commun fiable qu’on appelle aussi le TGV. Quant à sa complémentarité elle peut s’exprimer par des écarts que la métropolisation n’exprime pas : Vitré ou Figeac ont vu des croissances d’emploi plus importants que Lille ou Nice (en pourcentage) alors que les électeurs du FN sont surtout présents dans les grandes villes (en valeur absolue). Reste à faire émerger le « produit-système » que la convergence locale et écologie implique et les nouveaux territoires qui peuvent les porter. livres.onpk.net
  2. Workplace Management par Taiichi Ohno
    Explorer le Lean par ses racines, un autre biais pour continuer mon exploration. A travers cette collection de mini-chapitres (38 au total), c’est toute la pensée managériale qui transparait : elle commence par démonter le fameux « bon sens », celui qui nous fait croire que le Lean ne serait que son application, quand bien même tous ceux qui le pratiquent évoquent ce changement radical qu’il faut faire sur soi-même. Le Gemba l’impose : il ne se plie que rarement à nos désirs, il n’est jamais acquis et présente toujours de nouvelles frictions. Un contexte transparaît aussi de l’ouvrage : le marché automobile japonais est saturé, il faut désormais apprendre à faire du profit sans passer par la case de la croissance facile d’un marché en expansion. Ne plus produire les voitures qu’on ne vendra pas, augmenter drastiquement la productivité et continuer à apprendre (même quand c’est une usine du Brésil qui maîtrise le mieux les contraintes d’une grande variabilité des pièces sur un petit volume). On en est loin dans le monde du numérique actuel où l’on se bat aussi (surtout ?) sur le montant des levées de fond et avec le super-argent. Toutes ces leçons peuvent encore attendre dans les livres qu’une nouvelle génération les explore. livres.onpk.net
  3. Plateform Scale par Sangeet Paul Choudary
    Dans le cadre du projet CMIS (Crédit Mutuel Inter-professionnel Systémique, ou chambre de compensation B2B sur la métropole de Lille), je m’attelle pour la première fois à un business-model de type « plateforme à deux faces ». Et comme c’est devenu un classique il y a bien longtemps (de CraigList à Uber, du Bon Coin à Blablacar), j’ai pioché un peu au hasard ce livre dans la littérature disponible sur le sujet. J’y ai découvert ce que je cherchais, c’est-à-dire un cadre théorique pour aller un peu plus vite et débroussailler un chemin possible pour aller au delà de la recherche simpliste de l’effet réseau (quand bien même il est évidemment le premier à creuser) mais surtout pour casser le dilemme de la poule et de l’oeuf. Reste à transformer l’acceptation du projet dans l’incubateur Fintech d’Euratechnologies en réussite pour l’écosystème économique local. Mais ça, c’est une autre histoire… livres.onpk.net
  4. Les furtifs par Alain Damasio
    Lire le dernier Damasio, c’est d’abord retrouver le travail de la langue et du verbe. Et de la typographie cette fois. Comme dans son formidable La horde du Contre-vent, chaque personnage s’exprime (et donc se lit) à travers une forme qui lui est propre, fruit de son histoire et de son tempérament. L’intrigue quant à elle nous plonge dans une France des années 2040 qui, sous le joug de multi-nationales toutes puissantes ou presque, laisse un escadron d’élites traquer des « furtifs », une espèce vivante, de chair et de sons, qui semblent se jouter des sens et de la technologie des humains. Comme toute bonne science-fiction, elle parle d’abord de notre présent (et l’auteur ne s’en cache pas du tout, au contraire). Et parfois le présent finit par rattraper l’anticipation : la disparition de Steve à Nantes prenant de cours la hantise du décès chez les forces de l’ordre sous le commandement du Ministre Gorner. Reste, encore et toujours, à « aller fracturer la croûte terrestre, là où c’est un peu fragile, un peu ouvert, et tirer avec nos bras dans la fissure pour faire sortir du magma en douce… »  livres.onpk.net
  5. The Entrepreneurial State: Debunking Public vs. Private Sector Myths par Mariana Mazzucato
    Quelle erreur d’avoir commencé l’oeuvre de Mariana Mazzucato par The Value of Everything. Celui-ci est autrement plus accessible et stimulant. En explorant en détail l’impact déterminant des financements publics sur toutes les technologies de l’iPhone, elle démonte la vulgate qui voudrait 1) que l’État soit un frein à l’innovation et 2) qu’il ne soit même pas capable d’accompagner des sociétés vers le succès. Au passage elle propose enfin des pistes pour socialiser les bénéfices - parfois astronomiques - des sociétés privées sous la forme de royalties ou celle de prêts & garanties liés au résultat (pas si éloignés des « success fees » des juristes). Pas certain que ce soit suffisant dans l’état actuel du capital-risque mais c’est toujours bon à avoir sous le coude au moment où Euratechnologies annonce son propre fond. livres.onpk.net
  6.  Antifragile par Nassim Nicholas Taleb
    Derrière un mot - antifragile donc - Nassim Nicholas Taleb propose une véritable philosophie de la vie : éviter le confort lisse d’une vie sous contrôle et chercher la volatilité qui permet à cette vie de croître et de se régénérer. Véritable franc-tireur (il se permet de critiquer ad-hominem certains économistes en vue et d’autres universitaires bon teint), il distille son érudition protéiforme à travers plus de 400 pages très vivantes entre anecdotes personnelles, aphorismes antiques et lectures savantes. Et ce sont l’économie, la médecine, l’architecture ou la technologie qui passent à la moulinette de son détecteur à bullsh*** avec Thalès de Millet comme totem (ça nous change du récurrent Platon v. Aristote). Et des options, toujours des options, pour tirer le maximum de profit de ce que la vie peut nous apporter. livres.onpk.net
  7. Chronic City par Jonathan Lethem
    Les éditions de l’Olivier sont une des très rares maisons d’édition qui a toute ma confiance : je peux prendre un de leurs livres sans même lire la quatrième de couverture. Le volume de Jonathan Lethem, je l’ai débusqué dans une ancienne cabine téléphonique de Lechiagat devenue boîte à livres. On y suit une vieille vedette de cinéma : enfant-star, Chase Insteadman vit désormais de ses rentes entre paillettes people et désoeuvrement personnel, au coeur de la faune new-yorkaise. Quand il croise Perkus Tooth, un critique rock aux affiches underground placardées il y a bien longtemps, sa vie dérive peu à peu. Et le livre nous entraîne un peu plus loin que la réalité, tellement doucement qu’un univers étrange s’est déjà bien installé quand la neige continue de tomber drue au mois de mars. Un régal pour replonger dans l’atmosphère de Manhattan que j’avais senti en juin pour la première fois. livres.onpk.net
  8. Je suis breton mais je me soigne par Yann Lukas
    Avec une famille maternelle qui répond au nom de Boulic, il est bien difficile de cacher une part bretonne; d’autant plus qu’il n’aura échappé à personne que mon prénom est de la même origine. De tous mes étés dans le Finistère nord, il reste bien sûr le parfum iodé du vent, les crevettes dans l’épuisette et les grains de sable dans le maillot de bain. Un slogan aussi, longtemps collé sur les voitures du quartier de mes grands-parents, « Pas de Bretagne sans Loire-Atlantique ». Une poignée de recettes (Kig ha Farz) et quelques mots (Ma Doué ou Kenavo). Et pour la langue des mes aïeux, elle ne se maintiendra dans la famille que si le cousin (parmi les 11 petits-enfants) qui la parle encore, fruit de sa complicité avec mon grand-père, la transmet à ses enfants. Il faut dire que je ne me sens pas breton : si j’ai goûté à mon premier Kouign-amann, ce fut à 16 ans grâce à des parisiens; si j’ai chanté l’Angélus breton lors de mon mariage, ce fut en français et en latin; si j’ai dansé mes premiers « Andro » et « Hanter dro » dès 12 ans au Cercle des Bretons du Nord, à 42 ans je n’ai pas encore participé à un fest-noz en Bretagne. Je suis un breton folklorique. Et pourtant si cette âme n’est pas la mienne, bravo à eux pour le label Produit en Bretagne et pour leur terre si douce en été, quand la finance mondialisée sera sur le point d’achever le climat, ils auront peut-être entre leurs mains une terre hospitalière, même au coeur du mois de juillet. livres.onpk.net

Huit bouquins lus, la vingt-quatrième vague

mardi 16 juillet 2019 :: perrick :: Livres :: aucun commentaire :: aucun trackback
  1. Thinking fast and slow par Daniel Kahneman
    Il y a des livres qui ont tellement marqués leur époque qu'ils sont passé dans la vulgate quotidienne : c'est le cas du Thinking fast and slow. Ses systèmes 1 et 2, le premier instinctif et émotionnel, le second plus lent, plus logique et réfléchi, sont devenus monnaie courante. Et ce succès - avec le cortège de prix qu'il a reçu - le précède désormais : les thèses ont été acceptées et digérées, le livre a perdu au passage sa puissance et la collection de biais s'est transformé en un catalogue tantôt amusant, tantôt tragique. livres.onpk.net
  2. Nous n'avons jamais été modernes de Bruno Latour
    Penser les hybrides, voici la grande tâche à laquelle Bruno Latour s'attèle dans ce court (et hardu) essai. Sur la route des vacances, ces hybrides sont partout : les fameux climats de Bourgogne, parcelles viticoles fruit du travail des hommes et de la nature sur plus de 2000 ans; un peu avant sur l'autoroute, un champ d'éoliennes encastré au milieu du colza ou du blé; ailleurs une coupe rase au cœur d'une forêt, l'invasion d'une voiture par des abeille ou encore des fleurs sauvages au beau milieu d'un terrain de foot. Qui est encore « naturel », « artificiel » ? Une histoire de réseaux explorés par des tiers-instruits (encore des concepts à explorer). livres.onpk.net
  3. Les Lames du Cardinal par Pierre Pevel
    Hasard d’un cadeau, je me suis plongé dans l’univers fantastique du Paris au temps des dragons, dracs et autres vyvernes. Un temps où Richelieu règne en maître et confie à ses Lames les missions les plus délicates et secrètes. De quoi me tenir en haleine de longues heures consécutives. Et si j’en crois le succès internationale de la trilogie, j’ai encore quelques autres passionnantes devant moi. livres.onpk.net
  4. Better Work Together par En Spiral
    Je connaissais Loomio, j’ai découvert En Spiral. Le premier est un logiciel de prise de décision collaborative, le second est un collectif de programmeurs, d’activistes, de facilitateurs, de catalystes et d’entrepreneurs. Ce livre est une restitution polyphonique de l’expérience accumulée sur dix années à Wellington (en Nouvelle-Zélande donc) et ailleurs entre mutations juridiques, open spaces, retraites au coin du feu et communautés professionnelles. Une bouffée d’air frais à croiser avec les quelques coopératives numériques que je connais (/ut7, Scopyleft, les Tilleuls ou Hygéos). J’y ai glané au passage le concept de « followship » : l’art d’offrir un soutien visible et actif à un porteur de projet (par exemple en annonçant publiquement et rapidement sa participation à un événement émergeant pour une première fois). Et surtout leur volonté de permettre à plus de gens de travailler sur des trucs importants. livres.onpk.net
  5. Les Lames du Cardinal - L’Intégral par Pierre Pevel
    J’ai cru quelques jours que j’allais pouvoir distiller le plaisir de la suite au premier tome en intercalant d’autres ouvrages, plus académiques et moins fantastiques. Peine perdue : j’ai dévoré le reste encore plus rapidement. Tous les personnages sont en place, l’histoire peut se livrer à bride abattue. Et Notre-Dame de Paris qui se retrouve au cœur d’une actualité terrible au moment même où elle était attaquée par l’Archéen et l’Hérésiaque. Impossible d’avoir autre chose en tête pendant quelques temps… livres.onpk.net
  6. De la programmation considérée comme un des beaux-arts par Pierre Lévy
    Être observé par un ethnologue : tel est le rôle du programmeur dans ce petit livre du début des années 1990. Il devient alors un urbaniste de symboles et quitte ses oripeaux de simple technicien. Visiblement le vœu de Pierre Lévy et de quelques autres n’aura pas été exaucé. Ainsi si Paul Graham a repris et popularisé la métaphore dans Hackers & Painters, son statut d’investisseur à succès via sa première start-up (Viaweb) puis son incubateur (Y Combinator) l’a largement éloigné de la cherche du geste si caractéristique de l’artiste. Et pour un John Maeda, combien de cohortes de développeurs transformés en machine à produire du clic. Mais les descriptions sur les ressorts profonds de l’écriture informatique ou de l’intelligence artificielle restent d’une saisissante contemporanéité. « Parce qu’elle propose des machines signifiantes inédites, l’informatique dote les groupes humains de pouvoirs expressifs qu’ils n’ont pas fini d’explorer », à commencer par les trolleurs les plus en vue. Ou plus loin une anticipation des travaux d’Antonio Casili : « pour chacun des milliers de titre dont disposait la radio, un opérateur humain devrait déterminer la fin ou le début exact de chaque morceau, puis assigner cette fin ou ce début à l’une des seize catégories d’extrémité ». livres.onpk.net
  7. The Lean Senseï par Michael Ballé, Nicolas Chartier, Pascale Coignet, Sandrine Olivencia, Daryl J. Powell & Eivind Reke
    A nouveau livre sur le Lean, nouvelle facette : le « Senseï ». Ni formateur, ni coach, il tente de braquer la lumière sur des zones d’ombre et de méconnaissance dans le travail. Celui qui se fait dans l’atelier ou au bureau, tous les jours. En 150 pages faciles à lire, Michael Ballé et ses co-auteurs offrent une plongée dans le quotidien de ce personnage parfois mystérieux qui pose tellement plus de questions qu’il n’apporte de réponses. Pour avoir travaillé avec deux d’entre eux (Régis et Sandrine), l’ouvrage reflète très bien mon expérience personnel. Ainsi du Gemba walk qui est réussi quand on a l’impression de tenir une nouvelle pépite entre les mains, de celles qu’on a dans une mine d’or. Ma dernière ? Le stock de tickets d’évolution en cours sur le tableau de kaizen d’un développeur chez No Parking que mon senseï me montra en explorant notre management visuel. Une belle source de muda qui était « masqué » dans mon esprit puisqu’il ne s’agissait pas de son tableau de production principal. Et qu’on retrouve aussi dans la bouche de Nampachi Hayashi - apprenti direct du premier Senseï chez Toyota : « one piece-flow is the principle for giving challenge to people as well as production ». Une maxime que je n’ai pas fini de méditer… livres.onpk.net
  8. Shikasta par Doris Lessing
    Une planète sur le point de basculer vers l’effondrement et pourtant tellement attachante, fruit du travail patient et obstiné d’émissaires de Sirius et de Canopus. Leurs lettres, archives, documents retracent son histoire tragique. Et bien sûr ce sont notre planète et notre humanité qui transparaissent dans ce texte que je n’ose pas appeler roman tellement la forme est singulière. Et comme de par hasard, c’est La Volte, la maison d’édition d’Alain Damasio, qui a relancé son édition en 2016. Un très beau récit de science-fiction donc, par une écrivaine sanctionnée du prix Nobel de littérature en 2007. livres.onpk.net

Huit bouquins lus, la vingt-troisième vague

mercredi 27 février 2019 :: perrick :: Livres :: aucun commentaire :: aucun trackback
  1. The secret behind the success of Toyota par Takao Sakai
    Un best-seller japonais mal traduit pour aller un peu plus loin dans ma compréhension du Lean : c’était une belle perspective pour passer les vacances de Noël. Si le livre commence par la phrase bien connu du TPS (Toyota Production System), making only what is needed, when it is needed, and in the amount needed, c’est que le Lean Manufacturing a été la porte d’entrée pour les premières générations d’industriels qui se sont penchés sur les succès de Toyota depuis les années 1970. Mais derrière ces processus le plus souvent en usine, il y a ce what : cette chose qui se vend et qui se décide très largement en amont, dès la conception. Takao Sakai propose d’explorer ces chemins moins explorés : le TPD (Toyota Product Development) ou Lean Product Development. Et à son coeur, il y a ce fameux Chief Engineer ou Shusa. Il a la charge de concevoir l’ensemble du produit, depuis la note d’intention jusqu’à la chaîne de montage. Et sur ce long chemin, les équipes autour de lui changeront : d’abord la direction générale, le marketing ou les équipes commerciales, des « talents » capables d’effectuer analyses et synthèses, puis ce sera le tour des équipes de conception des différents départements (chez Toyota, motorisation, châssis, carrosserie, etc.) avant qu’interviennent les équipes spécialisées de ces même départements, puis les équipes de prototypage et de tests, avant qu’il ne se déplace à l’usine pour l’industrialisation (avec peut-être de nouvelles machines) et que l’y rejoignent de nouveau des vendeurs et communicants. Car les documents de conception ne sont pas juste transmis d’un département à l’autre, le Shusa les accompagne tout au long du développement de « son produit » : il a la main sur chaque décision. En outre si le lieu où il travaille est désormais mieux identifié (i.e. le fameux Obeya), la question demeure ouverte sur comment il advient. Takao Sakai donne quelques indices : de formation technique, le Chief Engineer doit être capable de déployer des connaissances et des accointances en économie, en design et en culture générale (du marketing au droit). Et en creux dans le texte, il transparaît qu’il bénéficie aussi d’une forme de cooptation. livres.onpk.net
  2. Hors des décombres du monde de Yannick Rumpala
    Abonné de longue date au blog de Yannick Rumpala, j’ai suivi de loin l’écriture de son dernier livre, avec la ferme intention de le lire dès sa parution. Il m’avait en effet ouvert à des modèles intéressants pour penser la politique au XXIe siècle et il m’avait aussi guidé vers des champs entiers d’une littérature stimulante (à commencer par le solar punk). Malheureusement ce livre est le fruit d’un travail caricaturalement universitaire : montrer qu’on a lu un maximum de références, présenter une thèse, motiver la thèse, expliquer la thèse et conclure en rappelant la thèse. Puis recommencer la boucle à chaque chapitre. Dommage. Heureusement qu’il reste des livres de SF à découvrir ou à relire, puisque c’est bien elle - la SF - qui invente des mondes possibles. livres.onpk.net
  3. Défions l’augure de Hélène Cixous
    Naviguer entre les lieux, les temps et les affects : le privilège de l’écrivain est immense. Entre New York et Osnabrück, Hélène Cixous nous emmène dans odyssée familiale au long cours, pleine de raccourcis et de poésie. livres.onpk.net
  4. Remote: Office Not Required de David Heinemeier Hansson et Jason Fried
    En février 2018, lors du Lean Tour à Lille, tous les membres présents de l’équipe No Parking avaient participé à une session improvisée sur le travail à distance. Quelques mois plus tard, c’est un ancien stagiaire qui fait le choix « radical » de préférer un poste en full-remote pour son premier poste. Et enfin en septembre de la même année, Matthieu - en déménageant en Flandres belge - inaugure le télé-travail quotidien chez No Parking. Il était temps que je me fasse une culture sur le domaine. Et même si mes contributions à SimpleTest il y a quelques années avait permis de dégager le terrain, les cours chapitres écrits en grand et largement illustrés de DHH et Jason Fried permettent de re-baliser les pratiques. Et de déceler des outils & techniques Lean par endroits. livres.onpk.net
  5. The Value of Everything de Mariana Mazzucato
    Si le PIB est l’alpha et l’oméga de nos politiques publiques, il n’en reste pas moins une création humaine. Il a donc une histoire : c’est celle-ci que Mariana Mazzucato explore et questionne dans son livre. Au delà des approximations des XVIIIe et XIXe (de François Quesnay à Simon Kuznets en passant par Adam Smith ou Karl Marx), c’est l’évolution après la Seconde Guerre Mondiale qui saute aux yeux : la difficulté qu’il y a à calculer l’impact des dépenses de l’Etat fait qu’on préfère en oublier les bénéfices pour l’ensemble de la société et - plus significatif encore - la bascule inverse opérée par le secteur financier quand il intègre le calcul du PIB au tournant des années 1990. D’un secteur qui capture de la valeur en se positionnant comme intermédiaire entre des prêteurs et des emprunteurs, il devient capable d’en « créer » même en faisant de la vente à découvert. Pour contrer cette extraction de valeur via la financiarisation de l’économie, la professeure de UCL invite les Etats à repenser la « valeur publique ». Vaste chantier. livres.onpk.net
  6. L’Arbre-Monde de Richard Powers
    Une dizaine de personnages se relaient dans cette éco-fiction afin de prendre soin des arbres, de les défendre désespérément ou de les étudier humblement. Au passage Richard Powers nous entraîne dans la vie : celle qui craque sous les pas dans une forêt ou celle qu’on oublie sous le poids du système capitaliste. Car les véritables héros, séquoias, ifs, hêtres, châtaigniers, ginkgos, noyers blancs, tilleuls et autres érables ou dragonniers, ont la patience nécessaire pour contempler de notre agitation. Ils ont déjà traversés plus de 350 millions d’années, bien loin de nos maigres 2,5 millions. Alors bien sûr cette fresque est un vibrant appel pour notre espèce humaine, à notre humanité : « quel est le meilleur moment pour planter un arbre ? Vingt ans plus tôt. Et à défaut ? Aujourd’hui. » Le futur s’écrit bel et bien en fiction. livres.onpk.net
  7. Voir le voir de John Berger
    Admirer des œuvres archi-connus et se laisser surprendre par le regard d’un autre. Cet autre s’appelle John Berger, écrivain, poète et critique anglais. Il nous invite à penser avec ses mots ce que la reproduction de masse fait aux tableaux, ce que la critique nous impose, ce que la publicité utilise de l’histoire de l’art, ce que les mécènes - puissants ou riches - façonnent à travers les traces qu’ils commandent aux artistes (et que seuls les meilleurs d’entre eux arrivent à sublimer). Et ses rapprochements d’images, de tableaux et de publicités, parviennent eux aussi, souvent encore plus directement que les mots, à nous faire voir ce voir. Un livre hybride et détonnant qui tire sa source dans une série télévisuelle de la BBC. livres.onpk.net
  8. Designing the Future de James M. Morgan et Jeffrey K. Liker
    Une très grosse entreprise - Ford en l’occurence - qui passe tout près du dépôt de bilan en 2008 mais qui, grâce à son PDG - Allan R. Mulally - retrouve le chemin de la croissance quelques années plus tard. Wikipedia retient de cette histoire les ventes (de Jaguar, de Land Rover, d’Aston-Martin et de Volvo), les baisses de salaire (de 76$ à 55$ de l’heure pour les ouvriers), la proximité entre le siège sociale de l’entreprise et le domicile de son dirigeant (moins de 5km) et bien sûr sa rémunération (178 millions de dollars sur 6 années). De la même histoire, Designing the Future tente de tirer des leçons Lean : car si la stratégie de Allan Mulally avait des aspects très financiers, elle était aussi centrée autour du leitmotiv « One Ford » et sur le choix audacieux de produire de nouveaux véhicules. Et si les exemples sont nombreux et divers (y compris en dehors de l’automobile), les directions ne sont plus inexplorées : un Chief Engineer, une organisation apprenante, une conception « set-based », une articulation fine entre standards et kaizen, une Obeya, un contexte tendue vers un objectif commun et partagé. Cela a marché pour Ford sur son marché nord-américain, cela a aussi fonctionné pour une société qui exploite des hydrocarbures au fin fond des océans (à 3km en dessous du niveau de la mer) sans qu’une intervention humaine ne soit possible en cas de gros pépins. On évitera donc soigneusement les questions fâcheuses de l'impact écologique pourtant si centrales chez Toyota. Plus gênant pour un livre de théorie managériale, le pourquoi ça marche ? est lui aussi passé sous le boisseau des retours d'expérience (mais peut-être aurait-il fallu commencer par The Toyota Way d'un des auteurs). En attendant je reste sur un goût de superficialité avancée. livres.onpk.net

Huit bouquins lus, la vingt-deuxième vague

mercredi 31 octobre 2018 :: perrick :: Livres :: aucun commentaire :: aucun trackback
  1. Des larmes sous la pluie de Rosa Montero
    Des replicants qui se suicident, des extra-terrestres qui fuient leur planète, une Terre où l’air est devenu payant et bien sûr une conspiration ! Tous les ingrédients pour retrouver de la SF, classique et sobre. Celle qui parle d’amour, de l’intérêt général, de l’amitié, de la cupidité et de la mesquinerie. Du machisme aussi. Bref de la vie de tous les jours, ou presque. livres.onpk.net
  2. Small Arcs of Lager Circles de Nora Bateson
    Nora Bateson a un grand-père célèbre, William, qui traduira en anglais Mendel et introduira le terme de génétique; son père a participé à la création de la cybernétique et fondera l’école de Palo Alto. Forte de ce patronyme, elle explore dans ce recueil hétéroclite (entre papiers universitaires, essais plus intimes et poèmes) des questions sous l’angle systémique : j’y ai retrouvé sa proposition d’appeler « symmathésie » tout système vivant et apprenant. J’y ai aussi découvert des notions fécondes - telle « warm data » qu’elle oppose à « big data »), des définitions originales - comme « zombie » : une personne qui ne pense pas par lui-même et veut contraindre les autres à lui ressembler - et des réponses à ce qui viendra après. Pour l’instant les 1% ont déjà posé leurs jalons et nous attend (ou pas) de l’autre côté. Eux se préparent à nous accueillir dans le monde qu’ils construisent dès à présent. La question de la préservation de l’existant pour les 99% nous oblige à nous concentrer sur les parties sans importance : Nora Bateson utilise la très belle image du bol de soupe qu’il ne faut pas renverser tout en l’amenant de la cuisine à la salle à manger. La concentration nécessaire à l’effort bloque toute tentative d’anticipation du repas. Le paradoxe voulant que ceux qui acceptent cet « effondrement » passe pour des oiseaux de mauvais augure alors qu’ils se déchargent des tensions et blocages du moment et préparent l’atterrissage le plus souhaitable. livres.onpk.net
  3. Le serment des barbares de Boualem Sansal
    L’Algérie est sortie de mon univers avec l’Émir Abdelkader el-Djezairi quelque part dans un livre d’histoire de CE2 ; les années 1990 - quand elle s’est rappelée tristement à la France - n’auront pas suffi à la faire remonter dans mon esprit (je créchais à Londres, déclenchant à l’occasion une alerte à la bombe sur la District Line avec mon sac de sport). Pendant ce temps, les touristes ont profité des plages de Djerba et des riads de Marrakech, avant d’abandonner Tripoli à son triste sort. Pour refaire mon retard, et en parallèle de l’émission du Nouvel Esprit Public avec Akram Belkaïd ou de Matière à Penser avec Mohammed Hachemaoui, je me suis plongé dans une épopée truculente : celle de d’un policier en fin de carrière, Si Loubi, qui remonte peu à peu les fils emberlificotés qui lient deux assassinats dans le village de Rouiba. Les 50 dernières années de l’Algérie en profitent pour déborder de partout. livres.onpk.net
  4. Le transperceneige de Jacques Lob et Jean-Marc Rochette
    Difficile de lire cette bande dessinée « post-apocalyptique » des années 1980 autrement que comme une préfiguration de notre quête radicale à rendre la Terre inhabitable. Le trait noir sur fond de neige permet une expressivité remarquable à la lutte des classes qui prévaut dans ce train roulant désespérément seul sur une Terre gelée. livres.onpk.net
  5. J’ai fini ma journée de Hyacinthe Dubreuil
    Hyacinthe Dubreuil est ouvrier et syndicaliste entre les années 1920 et 1960. Très curieux du monde qui l’entoure, il apprendra l’anglais et choisira d’aller travailler outre-atlantique pour comprendre (juste avant la crise de 1929). En 1970, il écrit son seizième et dernier livre : une autobiographie. Comme dans les Solutions sociales de Godin, la qualité du témoignage prime sur les idées de prospective (l’Histoire intellectuelle et sociale se révélant souvent très cruelle avec ceux qui tente de la saisir). Pour un mitron Lean, le livre regorge de scène à méditer : ainsi de la différence entre le patron « parvenu » et le fils « à papa ». Le premier connait (et reconnait) le travail de chacun de ses ouvriers dans son atelier pour y avoir œuvré et pour y faire encore une visite régulière (son Gemba) tandis que l’autre s’y pavane avec une jacquette violette. Plus loin, il s’attache à montrer l’importance des « faits précis et établis » qu’offre cet atelier quand il s’agit de parler « des procédés et des conditions de travail ». De même qu’il invite la direction à utiliser de son personnel sa « compétence particulière pour intervenir dans l’organisation de son travail » (c’est à dire les suggestions). En point d’orgue il demande un effort particulier à ceux qui sont dignes du nom de chefs : « au-delà des produits de vos fabrications, vous devez aussi vous proposer de faire des hommes ». Toyota - avec son Good Thinking, Good Products l’a bien compris. Au passage, Nicolas Colin y retrouvera aussi deux de ses idées 1/ le syndicalisme « de l’exit » (celui qui gère une caisse de chômage et cherche à trouver au plus vite un nouvel emploi à ses membres sans travail) et 2/ l’importance de louer sa maison quand on ne travaille plus la terre et qu’on est attaché à un métier (l’accession à la propriété devenant pour les ouvriers un poids lorsque l’entreprise locale ferme). livres.onpk.net
  6. La fée des renards de Komako Sakai et Kimiko Anan
    Dans les livres pour enfants japonais qui ont trouvé un chemin jusque nos contrées, je retrouve souvent un dessin très délicat et une poésie tout aussi légère. La fée des renards ne fait pas exception ! livres.onpk.net
  7. Où atterrir ? de Bruno Latour
    Si le front de la modernité permettait à la gauche et à la droite de se chamailler (cette dernière invoquant la liberté pour l’économie et la protection pour les territoire tant que l’autre privilégie la liberté pour le sociétal et la protection pour le social), Bruno Latour nous invite à donner toute sa place à un nouveau front : celui qui sépare les « terrestre » sensibles aux réactions de leur environnement (cette Zone Critique où l’on peut vivre) des « hors-sols » prêts à suivre Trump et sa cohorte de 0,1% qui ne sacrifieront rien de leur way of life. Il faudra bien attacher ses ceintures parce que ce changement de paradigme se fera avec de nouvelles alliances, parfois surprenantes. L’appel à candidature de Y Combinator pourra servir de révélateur : la célèbre société de capital-risque californienne vient de lancer son dernier Request for Startups œuvrant dans les technologies capable d’éliminer ou séquestrer le carbone. Considérant que la phase 1 est terminée (c’est à dire qu’une stabilisation du climat par une baisse de notre consommation de CO2 est désormais impossible), il serait grand temps de lancer la phase 2 avec la nécessité de retirer du CO2 de l’atmosphère en prenant des « big swings ». Alors « hors-sol » ou « terrestre » ? livres.onpk.net
  8. Systemantics de John Gall
    En utilisant humour et axiomes, John Gall nous offre des pages tout à fait réjouissantes sur ces systèmes (surtout les grands) qui nous entourent, nous encerclent et nous gouvernent. Si les informaticiens sont bien conscients de certaines de ces « lois » comme celle qui veut que « derrière tout système complexe qui marche, il y a un système simple fonctionnel qui a évolué », la liste que contient ce petit essai complètera avantageusement l’escarcelle du développeur aguerri. Ainsi « un système efficient est dangereux pour lui-même et pour les autres » (faut-il encore parle de HAL ?) ou « en installant un nouveau système, aventurez-vous avec précaution, vous pourriez déranger un autre système en train de bien fonctionner ». Quant aux praticiens Lean, ils pourront souffler de soulagement en découvrant que leur méthode (supprimer les points bloquants au fur et à mesure qu’ils avancent dans la compréhension du machin) a assez de grâce aux yeux de l’auteur pour avoir son petit nom, « manageur catalyseur ». Cette fois encore, l’exemple du RFS Carbon Removal Technologies pourra servir d’exemple aux lecteurs pour de fructueux travaux pratiques. What Could Possibly Go Wrong? livres.onpk.net

Huit bouquins lus, la vingtième-et-unième vague

lundi 17 septembre 2018 :: perrick :: Livres :: aucun commentaire :: aucun trackback
  1. Tokyo Vice de Jake Adelstein
    Loin des images d’Épinal d’un Japon à la politesse légendaire et à la ponctualité éclatante, Jake Adelstein, juif américain devenu journaliste pour le plus grand quotidien nippon, enquête sur la mafia locale (les fameux yakusas), la corruption, le trafic d’êtres humains. En côtoyant flics et hôtesses, petites frappes et caïds ambitieux, il nous offre un portrait décapant du Japon contemporain, loin, très loin, des cerisiers en fleurs. livres.onpk.net
  2. Des souris et des hommes de John Steinbeck
    Vu qu’il est devenu difficile de suivre sereinement ce qu’il se passe aux États-Unis d’Amérique, je me suis replongé dans un de ces classiques de lycée. J’y ai retrouvé l’histoire dramatique de George et Lennie, le petit - vif et futé - et le grand - fort et innocent. Une histoire brute, sans fioritures, probablement le reflet de ce que je perçois outre-atlantique : un mélange de candeur et d’âpreté, d’animalité et d’idéal. livres.onpk.net
  3. Solutions sociales de Jean-Baptiste Godin
    Les critiques contemporains (vers 1871-1872 donc) de l’œuvre écrite par Jean-Baptiste Godin en ont largement décrié les fantaisies théoriques (comme sa traque de la « Loi Suprême de la Vie » - conservation, développement et équilibre - dans les trois sections du cerveau). Il serait cependant injuste de s’arrêter là. La première partie, largement autobiographique, et la dernière, une longue description du Familistère de Guise, sont un très beau témoignage de l’esprit socialiste de son temps. Car cet entrepreneur exceptionnel aura cherché sans relâche des équivalents de la richesse pour une population ouvrière miséreuse. Les poêles de nos grands-parents et le génie de notre Henri Ford local (avec esprit fouriériste et maints dépôts de brevets) auront permis tout cela et bien plus encore : si l’entreprise versent les salaires (pour le travail), les primes (pour la direction) et les intérêts (pour le capital), elle peut aussi répartir les bénéfices autrement qu’en simple dividende à ses actionnaires. Apparaissent logements sains, aérés et lumineux (avec le nombre d’étages nécessaire pour faire pâlir d’envie Boucle d’Or, ni trop, ni trop peu), service de garde pour les nouveaux-nés 24h/24, piscine chauffée commune, 1er mai chômée (avant la publication officielle de la fête du travail), écoles gratuites à la pédagogie innovante (à commencer par celle de Marie Pape Carpentier, presque 40 années avant Maria Montessori : la méthode naturelle n’exige des maîtres qu’une application sincère de l’esprit à l’observation des faits journaliers). Je m’arrête là tout en vous suggérant une visite dans l’Aisne. livres.onpk.net
  4. Hedge - A Greater Safety Net for the Entrepreneurial Age de Nicolas Colin
    J’ai déjà pas mal parlé de ce livre dans un billet précédent, en y louant la richesse documentaire et certains idées à contre-courant. Depuis son auteur a pris ses quartiers chez Forbes, toujours pour prêcher des vues européennes sur les terres américaines. livres.onpk.net
  5. The Machine that changed the World de James P. Womack, Daniel T. Jones et Daniel Roos
    Revenir aux sources du « lean » et retrouver les premiers cailloux blancs de mes propres lectures et expérimentations : c’était l’idée derrière cette lecture presque trente ans après sa publication originelle. Depuis Toyota s’est installé temporairement aux commandes du marché mondiale de l’automobile (donnant quitus aux auteurs pour la qualité de leur postulat, i.e. que le lean était bien là pour remplacer la fabrication de masse telle que Ford ou General Motors l’avaient pratiquée), Nissan s’est laissé croqué par Renault (une opération tout à fait inattendue) et les grands constructeurs américains sont passés tout près de la faillite. La communauté française du lean quant à elle continue de se poser majoritairement des questions liées à la production. Alors même que The Machine n’y consacre finalement qu’un chapitre, il y en a quatre autres pour couvrir la conception d’un nouveau véhicule, la coordination avec les sous-traitants, la relation avec les clients et enfin la gestion d’une telle entreprise. J’en viens presqu’à me dire que les 25 années nécessaires à l’installation du modèle de la production de masse en Europe (de Sloane prenant la tête de GM en 1925 à la mise en route de Renault-Flins au début des 30 glorieuses) nous paraîtrons probablement comme très rapide. livres.onpk.net
  6. Dire non ne suffit plus de Naomi Klein
    Trump est passé par là. En attendant que le météorite explose en vol, Naomi Klein prend la plume pour pousser à l’avènement d’un programme véritablement intersectionnel, seul capable d’après elle de contrecarrer l’extractivisme néo-libéral. Elle insiste en particulier sur ces Indiens qui n’iront pas dans les étoiles et qui par leur enracinement luttent depuis leurs terres et pour leurs terres. Un ré-ancrage ultra-local qui fait écho aux villes ayant fait le choix de la transition radicale à leur échelle (Barcelone, Pontevedra ou Loos-en-Gohelle pour ne citer que quelques exemples emblématiques). livres.onpk.net
  7. Au château d’Argol de Julien Gracq
    Sans être un roman de médiéval fantastique, l’histoire d’Albert, Herminien et Heide m’a plongé dans ce que j’imagine être l’univers des elfes. La lande bretonne et son château d’un autre âge sont le prétexte pour de somptueuses descriptions qui diffractent les relations entre les personnages. L’atmosphère est toujours évanescente, comme derrière un rideau translucide, à un point tel que j’ai dû relire certains passages pour tenter comprendre ce qui venait de se passer (et que je ne partage pas tout à fait les interprétations présentes sur Wikipedia). Les elfes ont ceci de particulier que j’ai du mal à les suivre dans leurs pensées, bêtement humain que je suis. Julien Gracq aura réussi le tour de force de me les prendre presque palpables. livres.onpk.net
  8. Exit, voice, loyalty : défection et prise de parole de Albert O. Hirschman
    Titiller par une référence de bas de page dans le dernier opus de Nicolas Colin (cf. supra), j’ai pris et lu ce livre sans trop savoir à quoi m’attendre. Il s’agit donc d’une réflexion sur les processus qui s’enclenchent au sein d’une organisation quand la qualité décline et que ses produits perdent de la valeur. Un angle mort laissé en jachère par l’ensemble des business books qui se concentrent sur la croissance - plus ou moins miraculeuse - promise par leurs stratégies toute prêtes ou leurs méthodes révolutionnaires. La récente démission d’un ministre d’État en donne un exemple éloquent ces jours-ci. Reste à savoir si dans le cas présent, la concurrence peut apporter une réponse adéquate. Dans le cas contraire, cela restera une action d’éclat pour rien. Ainsi en va-t-il du pouvoir relatif d’une défection dans un marché pseudo-monopolistique. livres.onpk.net

Huit bouquins lus, la vingtième vague

lundi 16 juillet 2018 :: perrick :: Livres :: aucun commentaire :: aucun trackback
  1. Si la Chine était un village de Hong Liang
    Sept cent millions de Chinois. Et moi, et moi, et moi. C’était en 1966 et ils sont désormais près du double (1 389 millions en 2015). Le regard que porte sur eux le monde occidental (moi y compris) est souvent contrasté : Paul Jorion y décèle de quoi espérer pour l’avenir, Emmanuel Todd au contraire y sent un foyer d’instabilité. Sans trop savoir si l’écart entre les deux tient juste à l’échelle temporelle qu’ils auraient choisie d’utiliser, j’ai lu cette enquête de terrain écrite par une chinoise. Chaque chapitre présente un habitant de son village natal : il devient le révélateur des coutumes, habitudes et difficultés avec lesquelles elle a rompu. Ainsi les migrations urbaines intérieures structurent la vie du village : les jeunes tentent leur chance dans les villes, laissant les grands-parents s’occuper des enfants en bas âge. Ils reviendront plus tôt si une maladie les rattrape (pas de possibilité de se faire soigner hors de son district d’origine), plus tard si les économies permettent enfin de construire leurs propres maisons. Mais pour Hong Liang, le constat est sans appel pour cette vie rurale chinoise : « je vois la décadence et le déclin irrémédiable de la culture et de la vie d’un peuple ». livres.onpk.net
  2. Lean en ingénierie - Guide de voyage de Cécile Roche et Luc Delamotte
    Que peut-il se passer avant la production ? Quand ne sont connus que le besoin client et/ou le produit (au moins dans une première version). C’est le domaine de l’ingénierie. Et c’est à une exploration du Lean dans ce contexte que Cécile Roche et Luc Delamotte nous convient : un territoire moins balisé que celui de l’usine et de ses chaînes de fabrication. Leur guide est d’autant plus précieux pour aborder le rôle du « Chief Engineer » ou le concept de « Takt produit » (pour parler des éléments qui me parlent le plus en ce moment), la méthode du « SBCE » ou celle du « Pull Scheduling » (pour parler cette fois des éléments dont je perçois la pertinence et à travers lequel je décèle notre manque de maturité). Un (gros) bémol quand même : la qualité de l’édition. Au delà des fautes d’orthographe, c’est l’ensemble du manuscrit qui crie de ces petites incohérences disséminées régulièrement : des points qui manquent, des symboles ® et © qui ne sont pas à l’exposant, des renvois de notes de bas de page qui restent à la même taille que le texte, des paragraphes qui se déguisent en liste, des illustrations qui ne sont pas harmonisées (alors qu’il y a en a un tellement belle, la carte de ce « pays de l’ingénierie »). Et enfin celui qui m’a le plus gêné : insister sur Genba (au lieu de Gemba) par purisme japonisant puis offrir du Digital (au lieu de numérique) et autre Trade-off (au lieu de compromis) par suivisme globishisant… Reste à voir si le bouquin aura droit à une deuxième édition - ou un autre éditeur - pour pallier ces défauts. livres.onpk.net
  3. Le monde des hommes de Pramoedya Ananta Toer
    « Le plus grand écrivain indonésien » : la manchette rouge autour du livre aura titillé mon intérêt. Grâce à elle, j’ai été conquis par l’histoire de Minke. Jeune javanais dans une école réservée aux élites néerlandaises du début du XXe siècle, il apprend à naviguer aux marges du colonialisme, entre des Européens maîtres des armes et de la loi et des autochtones engoncés dans leurs traditions. Orienté par une professeure de littérature néerlandaise et un vieil artiste français, il devra se confronter à tout l’univers colonialiste pour défendre idéaux révolutionnaires, ambition personnelle et amour conjuguale. Une émancipation qui passe aussi par la langue et la littérature. Ce premier volume du « Buru Quartet » de Pram appelle la suite : la belle et fragile Annelies n’est pas encore sauvée. Et l’Indonésie toujours sous le joug hollandais. livres.onpk.net
  4. La méthode japonaise pour vivre 100 ans de Junko Takahashi
    Pas de règles formelles, peu d’études scientifiques, ce sont plutôt les portraits qui constituent la trame de cet ouvrage plaisant. Tous les centenaires apparaissent charmants et pleins de vie : tantôt championne du monde, tantôt humble paysan, le plus souvent charmeur, chacun et chacune dans son propre registre. Et si les toutes dernières pages mentionnent ceux qui ont disparus entre l’écriture en japonais et la publication en français - même eux ne sont pas éternels - transparaît l’humanité pleine de ceux qui profitent encore de la vie, aussi longue soit-elle. livres.onpk.net
  5. La septième fonction du langage de Laurent Binet
    Dépoussiérer un fait divers vieux de 40 ans, y tirer des fils et faire émerger une histoire : visiblement c’est la recette utilisée par Laurent Binet pour écrire son deuxième roman. La mort de Roland Barthes sert de point de départ : renversé par une camionnette alors qu’il se rendait au Collège de France, il meurt un mois plus tard à l’hôpital. S’ensuit une exploration uchronique de l’univers intellectuel parisien où Philippe Solers, Julia Kristeva, Michel Foucault, Umberto Eco et quelques autres trempent dans des affaires plus ou moins louches. Une ode décapante et burlesque au pouvoir de la parole, des mots et de la discussion. livres.onpk.net
  6. La sociologie de Lille du Collectif Degeyter
    Chasser la crise industrielle : si elle a fait la grandeur de Lille, Roubaix, Tourcoing entre 1850 et 1950, l’industrie (textile en particulier) s’est depuis déplacée laissant la métropole du Nord en quête d’un nouveau récit et d’un nouveau souffle. Ce sera la tertiarisation avec comme point d’orgue la croissance de l’immobilier de bureaux et la ferveur populaire (Lille 2004 en particulier). Le collectif Degeyter apporte nuances et précisions à ce discours. Car si cette tertiarisation a bien eu lieu, c’est aussi avec son lot de précaires (à commencer par les anciens ouvriers et les immigrés récents) : on ne peut pas comprendre Roubaix (ville la plus pauvre de France) sans savoir que Croix (longtemps championne de l’ISF) est sa voisine. Au niveau de la politique locale aussi le collectif tord le coup à certains préjugés : loin d’être un bastion socialiste, la MEL traduit les efforts conjoints d’une myriade de communes plus ou moins grandes, plus ou moins cossues, capables de se liguer entre elles et de s’accorder sur leur plus petit dénominateur commun si bien que seul un ancien patron - Bruno Bonduelle - semble lui porter une vision de long terme. livres.onpk.net
  7. La femme brouillon d’Amandine Dhée
    Un livre qui aura beaucoup circulé autour de moi : court par son nombre de pages, incisif, coriace et humoristique par sa plume, universel par son sujet (devenir mère). Tout pour plaire. Les belles images des magazines volent en éclat : Amandine Dhée a le talent - et l’expérience - pour percer les carapaces de la bien-pensance, cette douceur mièvre et hypocrite qu’on inflige aux jeunes mamans cernées et épuisées tandis que bébé-doit-faire-ses-nuits-quel-ange, que bébé-pleure-quel-chou ou que papa-a-changé-une-couche-hier-quel-homme. livres.onpk.net
  8. Des souris et des hommes de John Steinbeck
    Vu que c’est devenu difficile d’accepter sereinement tous ces machins qui traversent l’Atlantique, je me suis replongé dans un de ces classiques des années-lycée. J’y ai retrouvé l’histoire dramatique de George et Lennie, le petit - vif et débrouillard - et le grand - fort et innocent. Une histoire d’amitié, brute, probablement le reflet de mes perceptions américaines : un mélange de candeur et d’âpreté, d’animalité et d’idéal. livres.onpk.net